Monon, l’incarnation de l’amour

Dans le temple du cœur règne un Homme à l’esprit élevé. Depuis son trône septentrional, il contemple l’immense salle qui s’étend sous ses yeux. Sous le dôme de l’âme, les sept vents tourbillonnent et font danser les volutes d’encens qui s’élèvent depuis l’autel. Dans son dos rugit le souffle immortel du temps s’insinuant depuis les profondeurs de la porte de Koinonia pour caresser ses épaules. L’Homme est devenu roi, oracle et poète. Par sa voix, il peut ordonner le bien, montrer le vrai et chanter le beau car son cœur s’est ouvert à toutes les portes de l’esprit menant aux autres hommes. Lentement, il lève ses deux mains pour bénir, depuis son trône, l’ensemble de son cœur. À sa droite, la lune éclaire de ses rayons argentés ces voies passives qui nous conduisent à aimer par un abandon serein. À sa gauche, le soleil illumine d’un éclat doré les chemins des actes où notre cœur emplit le monde des eaux sacrées de la vie.

Le Monon se caractérise par son humilité et sa simplicité

Mais au Sud, loin à l’autre bout de la nef caverneuse, une porte demeure close. Elle semble résister aux tourbillons de l’esprit, ignorant par sa fierté rebelle, les sept voies célestes de l’amour. L’Homme quitte alors son siège divin et descend vers la terre. Il traverse de part et d’autre le temple, plongeant depuis les portes de l’universel vers celles du particulier. Il a atteint le Midi et devant lui se dresse une petite ouverture. Une porte modeste, en bois clair portant le nom de Monon. Elle n’a rien de bien somptueux et ne ressemble pas aux portails majestueux du grand Nord. Il en saisit la petite poignée joliment ouvragée et la tourne vers la droite, puis vers la gauche. Rien à faire, elle ne semble pas bouger. L’Homme est irrité. Après tant d’efforts fournis à ouvrir les portails suprêmes, comment un petit portillon à peine semblable à un battant d’armoire pourrait lui résister ? Posant ses poings sur ses hanches, il baisse la tête et lâche un soupir agacé. Il se retourne et s’éloigne de trois pas puis s’élance de toute ses forces pour enfoncer la porte. Un fracas ! Puis rien… Le grand roi céleste qui régnait depuis le trône du temps s’effondre devant le battant qui n’a pas bougé d’un pouce. Il se relève en massant son épaule droite endolorie par le choc. Que signifie donc une telle résistance ?

L’esprit est un souffle qui survole la terre. L’enveloppant dans ses idées lumineuses, il décore la réalité de fantasmes éthérés. Mais malgré toutes les tentatives de l’esprit pour accaparer le corps de la terre, cette dernière demeure immuable et vivante. Nous aurons beau tenter de penser, d’analyser, de démontrer, d’interpréter et de théoriser tous les phénomènes qui surviennent à nos sens, un élément demeure en dehors de la portée de notre esprit : la réalité. Elle existe indépendamment de nos croyances et de nos systèmes, nous la vivons en chaque instant car elle est le socle sur lequel repose tous les possibles. Et pourtant, quelle que soit notre intelligence, notre connaissance ou notre foi, nous demeurons spectateur face à elle. C’est pourquoi toutes nos conceptions de notre rapport à autrui, toutes nos tentatives de sortir de nous-même pour entrer en contact avec l’autre finissent toujours par se réduire à une seule chose : vivre. Nous pourrions passer deux mille ans à théoriser sans que jamais le mystère de l’autre ne se révèle à nous car il n’existe pas dans l’esprit mais dans la réalité elle-même.

Si nous nous imaginons l’homme comme un être simple, évoluant dans la nature, nous comprenons que son esprit, son imagination et sa pensée ne sont que des moyens lui permettant de guider ses actes. Il cherche de la nourriture, de la sécurité, du plaisir et pourquoi pas du repos. Mais chacune de ces catégories sont dictées par une fin abstraite. Certaines sont inscrites directement dans notre biologie. Elles peuvent être liées à notre survie en tant qu’individu ou à la perpétuation de l’espèce. D’autres sont des constructions contingentes qui nous permettent de vivre au-delà de la survie. Ces dernières sont alors les conditions du développement de l’humanité. Mais quoi qu’il en soit, ces pensées nous saisissent à partir de l’abstraction du concept et nous les dérivons en actes après un processus complexe de mise en relation avec nos perceptions, nos nécessités momentanées et les circonstances particulières de notre vie à un instant donné. Or, nous sommes des êtres sociaux, des animaux politiques comme le dirait Aristote, et la recherche de ces fins est souvent conjuguée avec une manière particulière de nous rapporter à nos semblables. Ainsi, la multiplicité des fins possibles engendre la multiplicité de relations humaines possibles. C’est pourquoi, l’amitié ou l’hospitalité par exemple sont deux manières différentes de nous rapporter à des êtres humains différents relativement à des objectifs différents.

Nous avons vue précédemment qu’il était possible de quitter cette multiplicité par une association complexe de toutes ces fins et de toutes ces relations. Ainsi, nous avons expliqué comment la Koinonia constituait l’abstraction universelle de ces relations, nous permettant de les lier entre-elles pour les comprendre d’un point de vue englobant. En cela, le processus intellectuel nous permettant de remonter vers la Koinonia était celui de l’intégration successive de toutes les autres relations possibles (Philia, Éros, Agapè etc…). Mais tout cela est intellectuel. Il s’agit du résultat de l’esprit de l’homme poussé dans ses retranchements les plus abstraits. Si nous retrouvons notre individu se promenant dans la nature, nous voyons bien que le processus que nous venons de décrire se passe dans sa tête. Il a les yeux levés au ciel, peut-être même fermés. C’est pourquoi les traditions philosophiques, poétiques et religieuses rattachent ces concepts à l’idée de ciel (le ciel des idées de Platon, Ouranos chez Hésiode, la Jérusalem céleste des chrétiens etc…). En cela, l’homme n’est donc pas présent sur la terre. Son esprit est désincarné, divin, flottant là-haut au-delà des éthers.

Pourtant, lorsque nous cherchons à parler d’amour, notre objectif n’est que rarement d’invoquer de telles considérations. Bien au contraire, nous voulons le vivre et non pas le penser. Comme le dit John Keating dans la Société des poètes disparus : “Language was invented for one reason, boys : to woo women !” Or, la séduction, l’amour du couple et le langage romantique ne cherchent pas à théoriser le fonctionnement des sphères célestes, il veut approcher un amour réel, incarné. Tous les efforts que nous portons à universaliser l’amour nous éloigne donc de cette incarnation et il nous faut changer radicalement de perspective pour apprendre à vivre notre ouverture à l’autre. Mais si la première condition de ce changement est bien un éloignement de l’abstraction, il existe également une seconde condition : En cherchant à intégrer un maximum de personne dans nos considérations abstraites sur l’amour (par exemple en cherchant à inclure l’humanité entière dans notre Agapè, notre charité), nous perdons de vue l’individu. Il nous faut donc aussi opposer le particulier à l’universel et plonger vers une personne unique. Le Monon pourrait donc être semblable à la recherche d’un être aimé ultime, une âme-sœur.

Language was invented for one reason, boys : to woo women

Trois coups frappés dans le noir. Le tintement des cloches annonçant la fin des temps. Derrière la petite porte du Monon, un être attend et clame sa présence par un signe trine. Dans le temple, l’Homme pose son oreille sur le battant, cherchant à discerner le souffle particulier de cette âme. Peut-être pourrait-il reconnaître son nom ? Frappant à son tour sur la porte, il cherche à communiquer avec l’être qui attend. Peut-être serait-il à même de déverrouiller une serrure invisible ? Mais comment faire confiance à quelqu’un qu’on ne connaît pas ? Tant de questions viennent perturber l’esprit qui, encore quelques instants plus tôt, trônait sereinement dans l’éternité. Jusqu’alors, l’Homme avait trouvé sa puissance sous l’égide des dieux. Il baignait dans les rayons du soleil et de la lune, respirait le vent des montagnes sacrées, se rafraichissait par l’écume des mers immortelles, son équilibre se situait encore sous le ciel. Mais à présent, son esprit s’est éloigné des dieux, trop abstraits, trop irréels pour sa soif inextinguible de vie. Il veut pouvoir toucher, connaître, partager avec un semblable.

Dans le Banquet de Platon, Aristophane représente cette liberté réaliste qui vient interrompre les considérations éthérées des philosophes pour provoquer par le rire et la vie. Lorsqu’il se propose d’apporter sa vision de l’amour, il invoque les muses pour qu’un mythe viennent éclairer les convives. Sur la terre, il y a bien longtemps, vivaient des créatures majestueuses et puissantes. Elles étaient sphériques, disposant de quatre bras, de quatre jambes et de deux têtes. Mais Zeus, craignant leur force indomptable décida de les foudroyer, séparant chaque créature en deux parties et donnant ainsi naissance à l’humanité. Depuis, nous recherchons inlassablement notre complément, l’être dont nous fûmes séparés par la colère du porteur de foudre. Telle est donc la nature de l’amour. Le mythe des sphères d’Aristophane nous enseigne qu’il est un guide tragique vers la puissance. Derrière lui se cache la divinité propre à l’homme, le couple sacré formant un être à même de renverser les dieux. Ainsi, l’âge d’or est un monde archétypal nous permettant de saisir une fin absolue, un bien souverain que nous devrions désirer sans condition.

Mais l’enseignement principal de ce mythe n’est pas l’importance de l’amour. Par l’idée de complémentarité des hommes formant des sphères duales, Aristophane nous montre que l’amour véritable n’existe que pour une personne unique. Un être humain que le destin nous a choisi et qui nous conduira à l’immortalité. Cet être est donc l’âme-sœur avec qui nous formons en réalité un seul être, le Monon. Ce mythe nous enjoint également à penser une relation dépassant pas sa force les limites de la nature que représente Zeus. En tant que roi des dieux, son rôle est d’imposer la loi naturelle aux hommes mais lorsqu’ils trouvent leur être aimé, leur complément, alors leur puissance est telle que la loi naturelle semble pouvoir se plier devant eux. Le Monon est donc une tension vers le détachement des considérations divines nous permettant d’incarner l’amour par une compréhension individualisée de la relation à autrui. Mais l’exigence est immense et tyrannique car nous ignorons tout de cet âge d’or décrit par Aristophane. Comment pourrions-nous savoir si la personne que nous avons choisie ou que le destin nous a choisie à un instant donné est bien l’autre moitié de notre sphère archétypale ? Et si Zeus, en plus de nous avoir séparé de celle ou de celui qui constitue notre voie vers la divinité, nous avait induit en erreur en nous donnant l’illusion du couple dans une relation inadéquate ?

Une interprétation traditionnelle de la complémentarité du couple se situe dans le rapport entre l’homme et la femme. En effet, c’est à travers cette relation que la procréation devient possible. Ainsi, un élément nous permettant de saisir le Monon serait sa faculté à engendrer la vie. Pourtant chez Platon, Aristophane nous parle de trois types de sphères archétypales qu’il place sous le signe des trois grands astres : celles qui forment un homme et une femme dérivent de la lune. Celles qui donnent naissance à deux femmes dérivent de la terre. Celles qui sont la source de deux hommes dérivent du soleil. Le poète décrit alors les différences de tendance, de désir et de comportement qui caractérisent les individus placés sous les signes de ces astres. Pour les individus lunaires (homme ou femme), ils sont attirés par le sexe opposé, sont propice à former des familles et à pratiquer l’adultère. Pour les individus solaires (uniquement des hommes), ils sont attirés par les autres hommes, se désintéressent du mariage et aiment pratiquer la politique pour être en présence de leurs semblables. Aristophane demeure laconique concernant les individus terrestre (uniquement des femmes) en ne parlant que de leur affinité pour les autres femmes. Ainsi, l’amour n’est pas conditionné par la biologie qui ne constitue que le principe des sphères androgynes, lunaires. Si nous abstrayons cela, c’est donc l’individualité pure qui justifie l’existence des rapprochements en tant qu’elle est un manque de l’autre moitié. Cette idée platonicienne pourrait alors s’opposer à un aristotélisme fondé exclusivement sur la reproduction sexuée. Pourtant, c’est cette dernière hypothèse qui sera reprise dans la tradition de l’Église chrétienne. Mais cela n’est pas pour autant une nécessité révélée et Saint Augustin, père de l’Église et ancien néoplatonicien affirma « Aime et fais ce que tu veux ». Selon cette doctrine, c’est en effet l’amour comme sentiment dénotant la résurgence de la puissance archétypale des sphères humaines anciennes qui est la condition de notre attirance et non la reproduction de l’espèce qui n’est qu’un des modes possibles de l’expression de l’amour.

Les sphères d’Aristophane font de l’amour personnel, un chemin vers la divinité

À l’Ouest et à l’Est du temple, les portes grandes ouvertes de Philia et d’Eusébia laissent passer les rayons du soleil et de la lune. Alors que les longs voiles diaphanes, ondulant depuis leurs accroches au sommet du dôme de marbre, s’écartent sous le souffle des vents multiples, les doubles lumières d’Or et d’Argent viennent frapper la porte du Monon. Sur le bois clair se révèle alors une gravure si fine que l’œil peine à la discerner parmi les nervures. Maintenant brillent ces mots « Qu’une âme se présente sur mon seuil et je m’ouvrirais. Qu’une âme passe sous mon linteau et je me refermerais à jamais ». L’Homme lisant la prophétie funeste est saisi d’un frisson. Cette loi apparaît comme définitive, sans pitié pour celui qui ferait l’erreur de laisser passer la mauvaise personne. Il s’éloigne alors de deux pas, laissant l’âme qui attend de l’autre côté de la porte dans sa solitude. L’hésitation face à l’amour est la cause de sa perte car elle est mue par la crainte de sa disparition. Et celui qui craint l’absence d’amour est déjà empli par ce vide car c’est son œil qui lui décrit un royaume désolé et nul ne peut voir ce qui n’est pas présent.

Un couple s’est formé mais il est rongé par le doute. Sommes-nous faits l’un pour l’autre ? Formons-nous réellement cet amour dont les légendes parlent ? Telle est la supplique de ceux qui se sont soumis au Monon. Leurs rêves sont si purs qu’ils craignent d’échouer à une épreuve imposée par les dieux. Une telle tension face au jugement suprême est toujours le résultat d’une contradiction écartelant l’âme entre deux pôles opposés. Ici, les pôles sont la passion et l’action. D’une part, nous voulons être saisi par le sentiment, subir le « coup de foudre » et ainsi découvrir sans avoir pris part à la décision, un être parfait qui nous comblerait de joie. D’autre part, nous craignons qu’en n’agissant pas sur nous-mêmes, nous serions incapables de tomber réellement amoureux car ces couples qui ne s’assemblent que par le sentiment sont souvent volage et incapable de se maintenir au cours du temps. Face à un tel dilemme, la philosophie nous offre un outil d’une grande puissance : la dialectique. Saisissant ces deux pôles de ses mains puissantes, elle s’en sert pour se hisser sur une troisième voie synthétisant une solution nouvelle.

Ici, le soleil et la lune semblent inverser leurs caractères passifs et actifs. En effet, les rayons du soleil évoquent la Philia, l’amitié qui conduit à l’héroïsme fondateur. Lorsque nous la prenons en tant que telle, cette relation à l’autre est active, féroce car créatrice. Pourtant, lorsque ses rayons se reflètent sur le Monon, c’est son aspect passionnel qui prend le pas sur sa valeur active. Nous n’aimons pas parce que nous l’avons décidé, nous aimons parce que nous sommes saisis par une chaleur sublime ! Nous pouvons alors retrouver cet amour à travers l’émotion, le sentiment. Telle est en vérité la nature de la jeunesse, celle qui s’adresse à l’adolescent sommeillant dans notre cœur. Sa vigueur rebelle lui interdit toute considération rationnelle qui viendrait ternir son idéal romantique et son fantasme de perfection. Mais rapidement, la pensée vient refroidir ses ardeurs. Combien de temps cela durera-t-il ? La réponse est que si la question vient à se poser, il est déjà trop tard et les premiers mouvements du sentiment se sont laissés remplacer par la peur de la séparation. Celui qui s’évertuerait à maintenir la suprématie du soleil de la passion n’aurait alors plus qu’une solution : détruire le couple et trouver un nouveau commencement. Cette manière de faire est caractéristique du monde moderne où les mariages et les divorces se succèdent pour maintenir vivante la flamme de la nouveauté. Mais au bout d’un certain temps, la jeunesse de l’âme s’épuise et une nouvelle crainte vient corrompre l’amour : « J’ai beaucoup cherché, j’ai trop souvent cru trouver, maintenant est-il trop tard pour construire un amour durable ? ». Cette question pose la graine du mouvement dialectique suivant : Et si le Monon n’était pas dans l’instant mais dans la durée ?

Les rayons de la lune symbolisent l’Eusébia, cette passion de l’harmonie qui nous donne le respect, les règles et l’équilibre social. De manière symétrique à la problématique de la Philia, l’Eusébia est en soi passive car elle existe sous le joug des normes culturelles qui permettent aux hommes de s’entendre sans s’imposer par la force. Mais lorsque sa lumière se reflète sur le Monon, elle devient active car l’objectif est alors de former un couple stable qui pourrait s’inscrire dans l’ordre social. Nous devons alors prendre une décision, former un mariage, promettre un amour éternel détaché de la passion momentanée. La lumière froide de lune nous accompagne en nous montrant une vérité nouvelle : Le véritable amour doit s’apprendre avec le temps et nous ne pouvons l’acquérir que lorsque la lumière du soleil s’est éclipsée. Quitter son conjoint lorsque la passion s’est fanée revient à perdre le pouvoir de la lune. Mais à nouveau, une crainte surgit. Et si elle mentait ? Après tout, des millénaires de mariages arrangés sordides ont tenté de se justifier par cet argument. « Certes, tu ne le connais pas, mais tu apprendras à l’aimer, ma fille ! ». L’ordre social cherche à s’imposer à travers nos décisions formelles et nous ne sommes alors plus maitre de nos désirs. Afin de se substituer à la passion, la forme s’est donc proposée de créer de nouveaux idéaux de contrôle de soi proche d’un ascétisme cruel. Qui sont donc ces stoïques impériaux qui affirment que puisque nous ne pouvons pas contrôler notre destin nous devons nous contenter de maitriser la représentation que nous nous en faisons ? Ils disent : « Tu ne peux pas choisir ta vie, alors trouve un moyen de t’en satisfaire ». Les graines du doute ont été à nouveau semées et un arbre maudit commence à pousser au milieu de ce noble mariage.

Un grand effroi nous saisit car cette contradiction semble nous mener à une solution inévitable : l’impossibilité du Monon. Tout ne serait que partiel : intense mais court, long mais tiède. Peut-être le problème se situe dans l’autre ? Après tout, Monon signifie littéralement Un. Or, si je me compte moi et l’autre, alors le nombre est Deux et non pas Un. La solution véritable à l’amour pourrait alors être l’amour de soi, l’amour propre qui nous conduirait à nous accepter nous-même sans laisser quiconque intervenir sur notre être. Telle est le sentiment qui saisit Narcisse face à son image reflétée dans l’eau. Mais le paradoxe que souligne Ovide nous ramène à la dualité. La fine pellicule qui nous sépare de nous-même, notre représentation consciente, maintient la dualité et nous empêche de nous saisir nous-même. C’est pourquoi Narcisse meurt lorsqu’il cherche à s’embrasser. L’unité n’est pas permise face à nous-même car l’amour propre se maintient dans la dualité du miroir. Une autre solution reviendrait à diviniser cet autre, à rechercher un être parfait, toujours là, incarné et immortel. Telle est la nature de Jésus pour ceux qui ont choisi la vie consacrée. Son caractère divin lui permet de s’abstraire de tout défaut et de toute crainte d’erreur : Il est Dieu, donc meilleur que tous les hommes, il n’est pas possible que ce ne soit pas la bonne personne. Son caractère incarné lui permet de remplir les conditions de particularité du Monon. Mais la vérité est que la foi à ses limites et que la croyance en son incarnation au moment où nous parlons peut vaciller et laisser tomber l’âme dans le même doute que celui qui a craint de perdre sa vie : « J’ai cherché l’amour et pour cela, je me suis détaché des hommes. Ais-je perdu l’amour ? ». Toutes ces contradictions sont caractéristiques de la recherche du Monon. En effet, là où la Koinonia se révélait par la somme des relations plus particulières, le Monon se situe dans la négation des relations plus universelles. Des abstractions comme l’activité et la passivité, la volonté et la passion, sont donc incapable de se saisir du Monon, il nous faut nous approcher de la réalité pour commencer à l’appréhender.

L’amoureux hésite entre la stabilité et la passion

Une fatigue saisie l’Homme du temple. Écartant les pans de son long manteau blanc, il s’assit en tailleur sur le sol en regardant avec perplexité la porte du Monon. Ses yeux se perdent à contempler l’ouvrage, l’emportant dans une douce torpeur. Il sent peu à peu sa tête s’alourdir et son regard tomber vers le sol. C’est alors qu’il voit un dessin complexe gravé sur le dallage menant jusqu’au milieu du battant. De longues racines forment un réseau intriqué représentant un immense arbre dont les branches s’élancent vers les portes d’Éros et de Storgê. L’homme se penche au ras du sol pour observer de plus près ces lignes délicates. Une fine lumière pulsante semble les parcourir comme si une sève descendait vers la porte du Monon en provenance de l’Est et de l’Ouest. L’Homme se relève et emprunte l’embranchement occidental. Ayant atteint la porte de Storgê, toujours ouverte vers les montagnes de l’immortalité, il observe les lignes se rejoindre sur un point unique situé à gauche de la porte. Là, un petit crochet d’argent permet d’en bloquer le battant. Dans sa précipitation, l’Homme n’avait pas vu ce détail et n’avait fait qu’ouvrir maladroitement la porte. Saisissant la poignée de Storgê, il vient la placer sur le crochet. À l’instant où celui-ci s’enclenche, la lumière pulsante qui remonte les racines se met à briller de plus belle. Un sourire illumine le visage de l’Homme qui se retourne vers l’Est pour rejoindre la porte d’Éros. Comme il l’imaginait, il en allait de même ici, un crochet doré attendait à sa droite la porte antique. Poussant le battant, l’Homme achève son œuvre et l’arbre gravé s’illumine guidant l’âme vers la porte du Monon.

Lorsque nous recherchons l’amour incarné, il nous faut admettre la réalité de nos vies. Loin des pensées éthérées et des concepts abstraits, c’est l’expérience qui nous conduit aux portes de l’existence. Ainsi, une nouvelle dialectique, plus proche de la particularité du Monon se met en place pour nous éclairer sur la nature de ce sentiment. Nous savons qu’une notion d’amour universel se doit d’inclure la totalité des êtres humains. À l’inverse, un amour absolument particulier se réduit à un seul être. Parmi les sept autres relations que le temple du cœur permet de penser, quelles sont donc celles qui tendent vers la particularité ? Koinonia, Agapè et Xenia sont les relations les plus universelles, elles cherchent toutes trois à inclure toute l’humanité et sont donc l’opposé de ce que nous recherchons. La Philia et l’Eusébia, bien que n’impliquant qu’un nombre restreint de personnes permettent d’en inclure beaucoup plus sans que leur concept n’en soit corrompu. Certes, nous ne pouvons pas être ami avec tout le monde et vouloir que sa nation s’étendent à tous les hommes serait d’une volonté tyrannique sans borne mais nous restons toujours ouverts à la possibilité de nouvelles amitiés et d’un respect plus étendu. À l’inverse, l’Éros et la Storgê sont des gages de particularité. Nous ne choisissons ni notre famille, ni ceux que nous désirons et cela car leur nature même est de nous permettre de nous ancrer dans la réalité. Pourtant, ni l’un, ni l’autre n’est absolument particulier et ils maintiennent tous deux quelques résidus d’universalité. Ce sont ces derniers qui nous éloignent du Monon. En ne conservant que ce qui nous rapproche d’un être unique, nous pourrons alors trouver le chemin vers l’amour incarné.

L’Éros est le désir qui nous conduit à l’autre par la révélation de sa beauté ardente. Nous voyons dans son corps le reflet de sa puissance, nous faisant le désirer comme nous désirons le divin. L’Éros est donc un facteur d’action tout comme Philia et Agapè mais à l’inverse de ces deux derniers, il incarne l’action dans l’autre, dans son corps, dans sa matière présente à nous. Mais nous savons le désir volage, il vient se poser là où Aphrodite nous révèle une beauté mystérieuse et tentatrice. En cela, il n’arrive pas encore à s’incarner à la perfection et demeure en partie abstrait car partagé, pour nous, par tous ceux dont nous admirons la puissance divine. C’est pourquoi la voie érotique cherche à s’affranchir du particulier en trouvant des objets théoriques comme la puissance du Tantra, l’immortalité de l’espèce que procure la reproduction sexuée, la recherche hédoniste du plaisir etc… Mais nous pouvons séparer de ces recherches l’action et le désir particulier car un couple idéal désir et aime. En un mot, il n’est pas impuissant. Ainsi, ce que l’Éros sacrifie au Monon, c’est sa faculté à générer la puissance et l’action. Nous pouvons observer cela dans les mots que nous employons pour décrire l’acte sexuel. Lorsqu’il est empreint de romance, nous disons « faire l’amour » en employant ce verbe d’action associé au sentiment. Il s’agit donc de la force qui s’oppose à l’universalité éthérée d’un amour platonicien ou d’une charité chrétienne. Mais cela ne suffit pas car l’Éros laissé à lui-même poursuit inlassablement sa quête de plaisir et de puissance, l’éloignant peu à peu de l’individu particulier.

Il nous faut donc lui trouver une force contraire et complémentaire dans la Storgê qui est la piété filiale nous conduisant au repos mérité permis par le clan. Là où l’Éros se caractérisait par l’action, la Storgê recherche donc la passivité. Pour cela, elle se fonde sur la confiance d’un groupe social défini par des caractéristiques immuables. La génétique en est un facteur décisif et c’est pourquoi nous retrouvons le plus souvent la Storgê dans la famille. Certes, dans certains cas particuliers, elle peut réapparaitre dans des communautés religieuses, des amitiés constituées ou des ordres mais cela est beaucoup plus rare. En effet, pour que la Storgê puisse faire son office, la fidélité doit être totale car son objectif est de reproduire le repos que permet l’enfance matricielle. Or, tout comme l’Éros poursuit ses propres objectifs, la Storgê peut pousser sa quête du repos vers des notions universelles qui nous éloigne du Monon. Par exemple en cherchant à produire une dynastie à la stabilité sempiternelle ou en se détachant des hommes pour trouver une matrice dans la nature elle-même afin de produire un sage-ermite dont les forêts sont la famille. En cela, c’est donc comme si l’enfant qui se repose dans la Storgê refusait de vieillir. Pour le ramener vers l’autre, il nous faut donc l’éveiller à l’adolescence en ajoutant à la Storgê cette puissance que permet l’Éros.

Nous arrivons alors au point de synthèse mais avant d’aborder celle-ci, il nous faut montrer sa corruption afin de fermer la porte au vice. Comme vous l’aurez remarqué, une erreur consisterait à vouloir hâtivement associer famille et désir sans comprendre que ce qui se cache derrière ces relations sont les idées de fidélité et de puissance. Une telle corruption est nommée « inceste » car en lieu et place d’une relation saine permettant d’incarner l’amour, cette dernière engendre une fermeture définitive du Monon, une impossibilité pour l’enfant de trouver dans sa vie une relation équilibrée. Ainsi, en ayant posé cette barrière, nous trouvons la forme réalisée du Monon : le couple comme principe initiateur de la famille. Ces deux individus sont à la fois capable d’action et de puissance tout en trouvant dans leur relation un repos et une sérénité fondée sur une confiance parfaite. En cela, l’adolescence que nous venons de décrire passe à l’âge adulte car elle permet à ce couple de servir de principe aux échelles plus large comme la famille ou la société. Nous retrouvons donc ici nos sphères d’Aristophane dont une autre représentation pourrait être l’aigle bicéphale représentant la fidélité et la puissance du couple impérial. En cela, le Monon est donc limité à la monogamie car la recherche de ce sentiment particulier équivaut à fusionner deux individus en un seul, imposant ainsi leur stricte égalité et leur fidélité parfaite. Pourtant, notre cahier des charges n’est pas encore entièrement réalisé. Nous savons à présent à quoi ressemble le Monon vu de l’extérieur mais quel est le sentiment qui saisit ceux qui le vivent réellement ? Comment sortir définitivement de l’abstraction pour apprendre à vivre cet amour incarné ?

Le Monon, vu de l’extérieur, est un couple idéal à la vertu impériale

Les racines de l’arbre de vie traversent depuis l’Est et l’Ouest la ligne de démarcation menant à la face méridionale de l’octogone sacrée. Laissant derrière elles les idées abstraites, elles purifient le sang de l’humanité pour n’y laisser que la vie. L’ichor doré pénètre les veines du bois clair de la porte du Monon, délivrant ainsi la serrure qui s’était laissée cristalliser par la théorie. Mais l’Homme qui s’avance devant l’ouverture hésite encore, il sait à présent que pour passer le seuil, il devra quitter ses beaux habits blancs décorés de milles symboles divins. Plonger dans la terre nécessite de se présenter nu face à la réalité. Mais de l’autre côté de la porte attends un être, une femme peut-être, un homme qui sait ? Une goutte de sueur coule le long de sa tempe droite et son hésitation agite ses mains d’un tremblement fébrile. Et si l’être qu’il attendait s’enfuyait à la vue de son corps nu et de son âme à vif ? Mais le dilemme est ainsi posé. Il ne pourra pas tourner la poignée s’il ne s’est pas dévêtu de ses idées, de ses dieux et de son savoir. S’il les conserve, alors la porte restera fermée et seuls les vents célestes agiteront les étendards de son cœur.

Levant les yeux au-dessus de la porte, l’Homme y aperçoit un funeste présage. Une ouverture en forme de trèfle à quatre feuilles laisse passer la lumière méridionale et au milieu se dresse une petite sculpture en pierre calcaire représentant Perséphone, la vierge sacrifiée au dieu des enfers. L’Homme se met à pleurer : est-ce donc ce qui l’attend de l’autre côté du Monon ? Devra-t-il abandonner la vie pour trouver l’amour ? Alors que l’eau de ses larmes rejoint la lumière coulant sur les racines gravées, une main infiniment douce vient caresser son épaule. Derrière-lui, elle est toujours là, attendant cet instant d’hésitation. La tendresse de sa voix est aussi profonde que le noir d’une nuit sans lune où rayonnent telles des étoiles, l’honnêteté et la candeur. La déesse murmure à son oreille : « Je serais toujours avec toi. Tu crois être dans la lumière, mais le royaume d’Hadès est ici. Il n’est pas difficile de le quitter. Jette donc ces habits que tu retrouveras rapidement et rejoint l’âme qui t’attend. Je garderais ta place dans le temple car tu es ici chez toi ». Comme dans un songe, l’Homme défait les sept boutons de sa robe, puis l’ouvrant autour de son torse, il la laisse tomber sur le sol. Avançant son pied droit, il enjambe les lambeaux de sa connaissance et s’avance de deux pas vers la porte. Saisissant la poignée, il la tourne vers la gauche. Le mécanisme, huilée par la lumière de l’arbre de vie, tourne sans un bruit et la porte s’ouvre.

L’instant est proche où nous pourrons accepter de voir la réalité telle qu’elle est. En effet, notre imagination nous a porté à découvrir le couple idéal, l’amour incarné dans une réalité humaine. Pourtant, cette idée est encore une image car elle est entièrement construite à partir de concepts abstraits : le couple, la dualité, la vie, l’éternité de l’amour, sa puissance, son repos etc… Certes, l’image est bonne mais elle n’est pas encore vraie. Pour passer le cap du monde, il nous faut donc nous débarrasser des dernières abstractions. Commençons par la téléologie. Ce mot reflète la volonté de poursuivre un but. Dans le cas qui nous intéresse ici, ce but avait été déterminé dans le monde archétypal des sphères d’Aristophane. Nous l’avions décrit comme la formation par l’amour d’un être humain égal aux dieux. Laissons donc tomber cela : qu’importe si ce couple est puissant, il se doit simplement d’exister. Continuons en supprimant les données temporelles. La racine du mal en matière d’amour se situe dans l’appréhension du futur, dans son anticipation. Aussi bien pour celui qui recherche un sentiment passionnel que pour celui qui veut former un mariage idéal, l’idée du futur est source de destruction. Il est donc nécessaire de quitter le temps pour arriver à une conception instantanée du Monon. Enfin, brisons l’idole de la numérologie. Que signifie donc ce Un, ce Deux ? Sommes-nous ici à parler d’amour pour théoriser sur des concepts kabbalistiques ? Non ! Seul l’autre compte et non son abstraction en tant que nombre. Peu importe qu’il soit un ou plusieurs, peut-être a-t-il plusieurs personnalités et n’a-t-il pas plusieurs jambes ? Il change ! Vit, existe ! Qu’importe donc ces nombres !

Mais que reste-il alors maintenant que nous avons enfin décidé de laisser tomber nos concepts ? Il reste… Quelqu’un. Tout simplement quelqu’un. Un être que nous voyons vivre, avec qui nous partageons un moment d’existence. Nous avons quitté la théorie pour entrer comme dans un film français sans réel début ni fin, sans objectif grandiose ni théorie fantastique. Juste un instant de réalité que nous partageons avec un être que nous savons aimer mais sans savoir pourquoi nous l’aimons. Le Monon est donc cette acception qui nous conduit à voir la réalité telle quelle est parce que nous la vivons avec quelqu’un que nous apprécions. Nous avons dû passer à travers de nombreux rêves pour le toucher, croire qu’il s’agissait de l’incarnation d’une âme-sœur unique, révélée par un destin somptueux. Nous avons voulu refermer notre cœur à tous les hommes pour ne le laisser qu’à un seul être. Mais cela était inutile car la réalité ne nous laissera de toute manière qu’un accès réduit aux membres de l’espèce humaine. Les personnes que nous croiserons durant notre existence sont en nombre relativement limité et les affinités encore plus réduites. Ainsi, la nature s’impose d’elle-même sans que nos décisions n’apportent plus qu’un choix contingent. Seule reste donc l’acception du réel. C’est pourquoi l’image la plus pertinente de l’amour conçu à travers le Monon est la déesse Perséphone. Elle n’est ni absolue beauté immortelle, ni puissance divine créatrice, ni savoir infinie. Elle est juste là. Fille de la nature, elle peut être heureuse et souriante ou triste et misérable. Elle voyage entre la terre et les enfers comme chaque être humain peut-être de temps à autre heureux et solaire et de temps à autre mélancolique et déprimé.

Si donc nous acceptons Perséphone telle qu’elle est, nous aurons accès à sa mère, Demeter, la déesse de la nature : la réalité. Celle-ci est l’opposé de la théorie, l’opposé du rêve et de la pensée abstraite. Elle se satisfait de son propre mouvement qu’elle appelle vie et lorsqu’elle le veut, elle détruit tout pour faire renaitre plus tard. Peu importe car c’est elle qui décide. Au mieux, nous pouvons tenter de séduire sa fille et alors nous pourrons profiter plus sereinement de l’existence car celle-ci sera plus intense. Certes, il est possible de prendre un pas de côté et de quitter l’amour pour entrer à nouveau dans la théorie. Alors à cet instant, nous saurons que nous pouvons agir un peu sur la nature. C’est ce que nous appelons la culture. Il est vrai que nous ne pouvons pas vivre éternellement d’amour et d’eau fraiche. Mais prenons garde car l’amour incarné nécessite bien de ne pas agir sur la mère de Perséphone car alors cette dernière aussi cessera de nous aimer. Mais bien que susceptible, elle pardonne aisément et tant que nous ne nous enfermons pas dans une prison théorique et abstraite, nous pouvons toujours replonger dans la réalité quotidienne pour retrouver le Monon. Tout est donc question d’équilibre puisqu’à présent, la dernière porte est grande ouverte. Cela va même un peu plus loin, puisque maintenant, nous avons compris comment accéder à cette réalité et il est impossible d’oublier ce que nous avons déjà vu. Ainsi, le Monon s’ouvre à partir d’une relation individuelle particulière qui nous révèle l’existence de la réalité mais une fois celle-ci acquise, il devient possible d’avoir une relation proche du Monon avec bien plus d’individus. Cela est juste et bon car ainsi, les liens de famille, notre rapport à nos amis, à nos amants et même aux étrangers se resserrent.

Perséphone est la jeune fille vivante, elle est tantôt mélancolique, tantôt solaire. Et cela, car elle est réelle.

Les huit portes du temple du cœur se sont ouvertes. L’Homme est enfin libre et les vents viennent danser sur l’autel. Des cieux jusqu’à la terre, de l’occident jusqu’à l’orient, tous viennent saluer celui qui a percé le secret de son âme car il sait enfin aimer. Derrière la porte du Monon s’étendent les champs de la réalité où chantent et dansent naïades et satyres. Passant le seuil de la porte, la Femme joyeuse a rejoint l’Homme qui l’accueille dans son temple. Elle porte une longue robe verte et sa tête est couronnée d’un cercle de fleurs sauvages. En riant, elle se penche sur le sol et récupère la robe blanche que son amant avait laissé tomber. Puis, se plaçant à son coté elle tâche de l’enfiler sur sa tête. Le couple, enivré d’amour, s’empêtre dans le tissu cérémonieux qui finira de toute manière à bientôt quitter à nouveau le corps délassé de l’Homme. Après quelques instants maladroits, il est à nouveau habillé et tenant la Femme par sa main, il se dirige vers l’autel. Les milles bougies sont allumées, l’encens s’envole vers le dôme de marbre d’où pendent les voiles diaphanes secoués par les vents. Derrière chaque porte, une foule immense attends, curieuse de voir une cérémonie encore inconnue car au milieu du temple attends la déesse.

Cet article est le neuvième d’une série consacrée aux origines de la politique dans notre rapport initial à l’autre.

Introduction, la naissance de la politique

Éros, la forme primitive de l’amour

Agapè, l’amour menant au Christ

Philia, le sentiment suprême

Storgê, l’immortalité de la famille

Xenia, une invitation au voyage

Eusébia, la mère des sociétés

Koinonia, l’unité universelle

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