L’autre est une figure ambiguë qui contient en elle la jonction de deux contraires, le semblable et l’étranger. Lorsque nous rencontrons un autre être humain, nous pouvons reconnaître en lui des traits qui nous rapprochent et des traits qui nous éloignent. Telle est donc la nature du voyageur, il apparaît aux yeux de ses hôtes comme un membre de la même communauté humaine tout en possédant une altérité si radicale que sa présence peut entrainer curiosité, inconfort ou même crainte. L’étranger est donc le porteur de l’image implacable de la différence et nier celle-ci revient à fuir face à cette altérité plutôt que de l’accepter et d’en tirer bénéfice. Imaginons à présent un voyageur portant sur son dos les habits d’un pays lointain et dans ses bagages, des histoires et des denrées exotiques. Il traverse le désert en quête d’une rencontre, projetant en dehors de lui-même ses rêves et ses désirs afin de découvrir le monde. Dépassant une dune, il voit apparaître le Temple de l’Amour où nous nous tenons enfermé, profitant de la sereine tiédeur de ses ombres. D’une démarche assurée, il se rend au Nord-Ouest de l’octogone sacré afin de frapper à Xenia, la porte de l’hospitalité.
Les battants monumentaux de l’ouvrage ont été sculptés dans un marbre immaculé veiné du bleu azur du ciel. Aucune décoration ne vient outrager sa pure simplicité et aucun verrou ne la scelle. Et pourtant, des efforts immenses seraient nécessaires pour l’ouvrir car son poids le maintien à lui seul fermé. À l’intérieur du temple, deux statues de gardiens terrifiants sont élevées à droite et à gauche de la porte. En frappant du poing contre les battants de pierre, le voyageur les entend résonner comme milles cloches cristallines, brisant le silence paisible du temple. Celui qui se tenait sous le dôme de l’édifice aurait pu croire que sa solitude ne serait jamais troublée que par sa propre volonté mais l’existence inévitable de cette porte le tient à la merci de ces rencontres inopportunes. Nous, qui découvrions progressivement la structure de ce temple, avions appris qu’il était orienté d’Est en Ouest afin de refléter les aspects d’activité et de passivité de notre rapport à autrui. À l’Orient, nous pouvions, de notre propre chef, rencontrer l’autre par le biais d’Éros, de Philia et d’Agapè et à l’Occident, nous avions entrevu pour la première fois la nécessité d’accepter une rencontre passive, celle de la Storgê. Mais ce dernier, l’amour familial, s’il s’impose à nous du fait de nos conditions de naissance, constitue tout de même, pour la plupart d’entre nous, un repos pour l’âme. Xenia est bien différente, elle dérange tout le monde car elle nous met en rapport avec ce que nous ne sommes pas en imposant la présence dans nos vies de multiples étrangers.

L’étranger fait face à une porte de pierre, est-elle ouverte ou fermée ?
L’étranger est sans doute l’un des problèmes majeurs que cherchèrent à résoudre les anciens. L’immense pluralité des peuplades, des cultures et des civilisations, des îles embrumées des celtes aux déserts arides de l’orient, rendait nécessaire de déterminer un rapport avec ceux qui ne partagent pas notre histoire, nos mythes et nos dieux. Imaginons en effet une cité mésopotamienne refusant d’accueillir les étrangers. Elle se couperait du commerce, de la pensée, des alliances possibles et ferait face en quelques siècles à peine à des empires qui l’achèverait. Ainsi, différents mythes retraçant la perte d’une cité à cause de son manque d’hospitalité trouvent leur sens symbolique dans cette implacabilité de l’ordre du monde. Sodome et Gomorrhe, détruites pour n’avoir pas accueilli les deux anges de Dieu sont l’équivalent biblique de la Phrygie du mythe de Philémon et Baucis. Dans ce dernier, Zeus et Hermès viennent dans une cité, déguisés en mendiant afin de demander l’hospitalité. Celle-ci leur est refusée par tous à l’exception d’un couple de vieillards vivant sur une colline aux abords de la ville. Ainsi, durant la nuit, Zeus ravage la Phrygie tout entière n’épargnant que Philémon et Baucis. Au petit matin, il transforme leur misérable hutte en temple de marbre, les récompensant de leur vertu.
Cet aspect politique de la Xenia permet de penser la nécessité collective de l’ouverture à l’étranger en faisant pendre une épée de Damoclès au-dessus des têtes des communautés. Le désastre provoqué par Zeus ou la pluie de feu détruisant Sodome et Gomorrhe sont des représentations des conséquences historiques de l’absence d’hospitalité. Ces mythes permettent donc de circonscrire la Xenia par sa négation mais ne nous donnent pas sa définition positive. Ainsi, dans le Temple de l’Amour, la statue à gauche de la porte qui nous menace de son regard est celle de l’Agonie. Sa menace permanente est intérieure car elle s’appuie sur notre faiblesse. Si nous ne faisons rien, que nous maintenons la porte de Xenia fermée, alors son pouvoir grandira jusqu’à nous détruire. Mais face à elle se dresse la statue d’un autre démon grimaçant. Ce dernier est la Peur qui nous saisit face à l’inconnu. Nous entendons les appels résonner depuis l’autre côté de la porte mais qui est cet étranger ?
La terreur face à l’inconnu qui nous empêche de faire preuve d’hospitalité est fondée sur une peur double : celle de perdre notre vie et celle de perdre notre âme. En effet, celui qui vient chez nous pourrait cacher de mauvaises intentions et vouloir nous détruire. Ces raisons peuvent être multiples pourtant ce n’est pas ce que nous pouvons comprendre (comme le fait de piller, de voler, d’assassiner dans le but de conquérir ou de détruire par jalousie) qui nous terrifie le plus. C’est au contraire, ce que nous ne pouvons même pas appréhender. L’étranger partage avec nous certains traits d’humanité mais il nous projette également dans une altérité radicale. Ses origines lointaines, la différence de culture, de lignée génétique, d’histoire et de religion nous font entrevoir la possibilité de l’inconnu. Or, si le connu est limité, l’inconnu, lui, est infini et cela aussi bien vers le Bien que vers le Mal. C’est donc notre imagination qui nous pousse à craindre l’étranger car pour pouvoir l’accueillir, il nous faudrait pouvoir projeter notre esprit en dehors de ses limites habituelles. Ainsi apparaît la dichotomie entre la force et la faiblesse d’un individu. Celui qui est trop faible pour recevoir l’étranger demeure impuissant à déplacer les immenses battants de pierre de la porte de Xenia. En effet, il n’est même pas capable de reconnaître sa propre identité et face à l’altérité, il prendrait le risque de perdre son âme. Celle-ci, trop frêle pour se maintenir face à des idées différentes, des modes de vie exotiques ou des fins alternatives, perdrait son identique en étant soit convertie à une autre culture ou religion, soit plongée dans un chaos de relativisme ou de néant.

La Peur et l’Agonie sont deux forces qui nous menacent rendant nécessaire un choix face à la question de l’hospitalité.
Il nous suffit alors de nous imaginer fort. Celui dont le repos à l’intérieur du temple fut interrompu par le voyageur du désert pourrait bien être à même de recevoir l’étranger. Sa force lui permettrait de conserver son identité tout en ouvrant son cœur à l’altérité. Il a vaincu la crainte de la mort car l’existence n’est jamais sans péril et celui qui voudrait ne prendre aucun risque finirait dévoré par l’Agonie. Il s’approche alors des battants et tire sur les immenses poignées de bronze afin de déplacer l’édifice. Des gouttes de sueur perlent sur son front et malgré ses efforts, la porte ne semble pas vouloir bouger car la force d’un seul homme n’est pas suffisante pour permettre à Xenia de s’ouvrir.
Le mot hôte possède une ambiguïté particulièrement intéressante puisqu’il désigne tout à la fois celui qui reçoit et celui qui est reçu. En cela, l’étranger n’est donc pas seulement celui qui arrive d’un pays lointain mais également tous les habitants d’un pays pour celui qui vient de loin. Cette symétrie entre les hommes est pourtant brisée par les lois de la nature car la stabilité est plus courante que le mouvement. Ainsi, lorsqu’un voyageur arrive dans un pays, il est toujours minoritaire par rapport aux habitants car si ça n’était pas le cas, il serait alors un conquérant. L’hospitalité caractérise donc une relation sociale spécifique, celle du contact entre un individu en mouvement et un individu stable. Là où les lois de la propriété et de la puissance politique supposeraient l’inégalité entre ces deux êtres, l’hospitalité vient suppléer le voyageur afin de le protéger face au seigneur. En effet, dans le monde antique où l’esclavage régnait, celui qui voyage prenait toujours le risque d’être capturé et de perdre sa liberté. Même dans notre monde policé, nous ne connaissons jamais parfaitement les lois ou les mœurs d’un pays étranger et le risque de perdre notre liberté pour des raisons auxquelles nous n’avions même pas pensé existe toujours. Sans le devoir d’hospitalité, il serait donc impossible de voyager ou de faire du commerce.
L’expression la plus pure de ce devoir d’hospitalité est sans doute chanté par Homère dans l’Odyssée. Ulysse, voyageant à travers les mers pour retrouver Ithaque est reçu successivement par de bons et de mauvais hôtes. Le cyclope, Circée ou Calypso sont autant de figures terribles nous faisant craindre le voyage. Mais Alcinoos, roi des Phéaciens représente le seigneur idéal. Celui qui non seulement reçoit mais ne cherche même pas ses intérêts personnels pour respecter la loi d’hospitalité. Télémaque, le fils d’Ulysse, est également un grand défenseur de la Xenia puisqu’il reçoit et nourrit Athéna déguisée en Mentès sans même lui avoir demandé son nom ou la raison de sa présence dans sa maison. Ainsi, la loi de l’hospitalité touche tous les hommes, indépendamment de leur nature et permet de rencontrer l’étranger.
Mais pour que cela arrive, il est également nécessaire que l’étranger face l’effort de voyager pour venir chez nous. C’est donc là où l’ambiguïté sémantique du mot hôte prend toute son importance. La force que demande l’accueil de l’étranger en sa propre maison n’est que peu de chose face à la force que demande le fait de frapper à la porte de l’étranger. C’est pourquoi dans le mythe de Philémon et Baucis, Zeus est accompagné d’Hermès, le dieu des voyageurs. Ce souffle de liberté qui permet à l’homme de quitter son foyer pour parcourir les routes, découvrir les pays lointains et aller à la rencontre des étrangers complète la loi de Zeus qui nous oblige à accueillir le voyageur et à eux deux produisent la force suffisante pour ouvrir la porte de Xenia. Nous tirons depuis l’intérieur du temple, l’étranger pousse depuis le seuil extérieur et sans un bruit, les battants tournent autour de leurs gonds. Un vent frais venu de la mer lointaine s’engouffre dans le passage et accompagne la senteur mystérieuse des épices que le voyageur apportait sur son dos. Mais à peine s’était-il empressé de pénétrer dans le temple que la porte se refermait avec fracas. Tant d’effort pour ne faire entrer qu’un seul homme…

Pour que le voyageur puisse quitter son pays, il faut qu’il y ait de bons hôtes sur la terre.
Il nous faut donc penser l’hospitalité à un degré plus élevé que sa simple application éthique pour trouver le moyen de maintenir cette porte ouverte. Les anciens grecs avaient trouvé une solution théologique à ce problème en la figure de Zeus Xenios. En effet, les dieux de l’Olympe possédaient, en plus de leur nom générique, de nombreuses épiclèses qui caractérisaient leurs différentes fonctions. Zeus, en tant que roi des dieux et maitre incontesté de l’Olympe était donc le garant de l’hospitalité et, dans ce cadre, vénéré sous l’appellation de Zeus Xenios. Or, cette fonction allait bien au-delà d’une attribution arbitraire car c’est à travers le comportement spécifique de Zeus dans la mythologie que nous pouvons comprendre la raison de l’attribution de cette épiclèse à ce dieu en particulier. Ainsi, dans l’Iliade, Homère distribue les dieux dans les deux camps opposés de la guerre de Troie. Athéna, Héra et quelques autres vont du côté des Grecs, Apollon, Aphrodite ou Poséidon du côté des Troyens. Le choix d’un camp par un dieu s’explique par sa fonction. Par exemple, Poséidon est du côté des troyens car les éléments naturels et la mer en particulier sont défavorables aux Grecs qui viennent de loin pour combattre aux pieds des murailles de la cité ; Héra est du côté des Grecs car le casus belli de la guerre de Troie est l’infidélité d’Hélène qui était mariée à Ménélas. Or, Zeus est le seul dieu à ne pas prendre parti et cela, car sa fonction est de maintenir l’équilibre sur l’Olympe. Ainsi, il peut être compris comme l’hôte (dans le sens de celui qui reçoit) de tous les autres dieux.
Celui qui cherche à comprendre l’hospitalité à son degré le plus élevé voudra donc apparaître comme Zeus au milieu des dieux. Il reçoit sans imposer ses croyances, son rôle étant alors de permettre à tous de s’exprimer et d’empêcher la guerre entre ses invités. La Xenia est donc caractérisée par sa très haute dignité. Elle est si élevée qu’elle permet de recevoir sans chercher un intérêt personnel car la certitude de notre propre supériorité rend absurde la volonté d’écraser nos invités. Or, ce comportement est adéquat à la pensée car il permet de développer notre esprit en intégrant les idées et les cultures venus de l’étranger. Appliqué à la théorie, la Xenia est donc semblable au mouvement de la dialectique. Nous sommes la thèse et face à nous apparaît un autre, une antithèse. Si nous demeurons dans l’opposition stricte, le combat est permanent et nous tombons dans l’aporie, l’absence de résolution. Mais si nous prenons acte de cette nouveauté tout en conservant ce que nous étions, nous créons une troisième voie plus élevée contenant en elle les deux éléments précédents. Mais pour cela, il nous faut être à même de conserver notre identité tout en acceptant et comprenant celle de l’autre. Telle est alors la nature spirituelle de la Xenia.
En abandonnant ainsi notre peur de l’étranger, nous jetons un nouveau regard sur la porte de Xenia. Nous nous rappelons enfin que nous sommes à l’Ouest du temple, sur un dallage portant la marque de la lune. L’astre ne brille qu’en reflétant une lumière venue de l’extérieur et nos efforts sont vains à vouloir la produire. C’est donc en acceptant ce sublime équilibre entre notre âme immortelle et les apports mouvants des vents extérieurs que notre esprit remarque enfin que c’était nous-même qui tenions cette porte fermée. De la bouche entre-ouverte de celui qui se tient sous le dôme du temple exhale un soupir. Ses épaules s’abaissent et ses yeux se ferment incitant son corps à prendre la noble posture d’un seigneur sur ses terres. Comme une plume tombant en dansant du nid d’une colombe, la porte de Xenia s’ouvre avec délicatesse, les immenses battants de pierre tournent avec grâce et légèreté sur leurs gonds de bronze tenant enfin ouverte cette entrée du sanctuaire. Deux Hommes se tiennent alors côte à côte face au paysage : un grand seigneur recevant un voyageur du désert.

La fin de l’hospitalité est d’avoir appris à recevoir afin de pouvoir soi-même devenir le voyageur.
Nous avons compris le sentiment du premier. Il est Zeus, l’homme stable, le roi qui ne règne que par la bonté et l’équilibre. Mais qui est donc le second, cet hôte toujours en mouvement qui représente l’autre face de la Xenia ? Dans le mythe de Philémon et Baucis, il est Hermès, le dieu voyageur. Nous avons entrevu sa puissance lors de la première ouverture de la porte. Il est un homme si certain de sa propre immortalité que ses pas l’ont mené en dehors de chez lui. Prenant la route, il a quitté sa patrie et est allé de lui-même à la rencontre de l’inconnu. Lui, ne peut exister que si le seigneur le reçoit, sans cela il mourrait, tué par la nature ou les hommes. Mais connaissant la bonté et l’équilibre, il prend le risque d’aller chercher à la recherche de l’étranger. Nous avons ici évoqué l’Ancien Testament à travers le mythe de Sodome et Gomorrhe ainsi que les Métamorphoses d’Ovide pour la légende de Philémon et Baucis mais la puissance de ce voyageur apparaît plus clairement dans les Évangiles. Lorsque Jésus assemble ses apôtres et leur demande d’aller de ville en ville pour annoncer la bonne nouvelle, il ne les envois pas comme conquérants mais comme voyageurs. Ils n’emportent avec qu’eux qu’un vêtement et la parole de leur seigneur. Ainsi, ils sont semblables à Hermès, le messager des dieux qui transmet le verbe afin de relier les cieux.
Avons-nous pour autant bien compris cette parabole ? Dans le Temple de l’Amour, il existe trois portes au Septentrion : Au Nord-Est s’ouvre Agapè, la porte active de l’amour inconditionnel. Au Nord-Ouest c’est bien la porte de Xenia dont nous sommes en train de parler qui permet d’accéder à l’autre et entre ces deux-là se situe la mystérieuse porte de la Koinonia que nous découvrirons plus tard. Ainsi, Agapè et Xenia partagent entre-elles les deux faces de l’universalité. Historiquement, il semble qu’Agapè ait pris le pas sur Xenia, cette dernière exprimant la modalité antique de l’amour universel et la première sa version moderne et chrétienne. Pourtant, cela n’est pas exact car l’hospitalité n’a pas disparu avec la fin de l’empire romain, bien que cette valeur ait été placée dans la théologie chrétienne sous la tutelle de l’Agapè (comme d’ailleurs toutes les autres valeurs, le christianisme étant un monothéisme centré sur l’amour inconditionnel et actif du Christ).
Mais existe-il encore de nos jours une véritable hospitalité ? Les hôtels ne sont pas hospitaliers car ils cherchent l’intérêt privé. Les hôpitaux et les associations caritatives (comme d’ailleurs l’Ordre des Hospitaliers) forment un rapport actif à autrui et sont donc de l’ordre de l’Agapè. Pour retrouver la Xenia, il faut donc partir en voyage car c’est chez les individus particuliers que le sentiment d’hospitalité trouve sa source. Lorsque nous entrons dans un village et que nous discutons avec un vieillard, il est possible que celui-ci nous invite à dormir chez lui avant que nous reprenions la route. Là est la Xenia. Lorsque nous partons en pèlerinage et qu’un temple nous est ouvert pour y dormir afin de nous reposer d’une longue marche. Là est la Xenia. Lorsqu’enfin, nous voyons de jeunes âmes frapper à notre porte, portant sur leur dos un lourd paquetage et marchant vers une terre inconnue, nous pouvons décider de les recevoir et découvrir ce qu’ils ont vu sur leur route. Là est la Xenia.

La parole mouvante du voyageur est le remède à la mort car elle permet de sortir de soi et de découvrir le monde.
Deux portes sont à présent ouvertes à l’Ouest du temple. Storgê, l’amour familial qui permet à l’âme de trouver son repos et Xenia, la sereine hospitalité. Ces vertus intemporelles nous donnent accès à autrui à travers une force tranquille qui ne demande pas notre concours. Contrairement aux portes de l’Est, elles sont comme une douce invitation au relâchement et à la confiance. Derrière les battants de pierre de Xenia se révèle un paysage grandiose : Au-delà des dunes s’étend un océan sans fin qui ne demande qu’à être traversé. Si nous acceptons de recevoir chez-nous ceux qui passent cette porte, nous trouverons la force de la passer à notre tour afin de quitter la solitude de notre être pour découvrir l’étranger. Nous voguerons par-delà les mers, vers des pays lointains et des richesses inconnues. Il est inutile d’essayer d’imaginer ce que nous y trouverons car seule la vie et le mouvement pourront nous révéler les délices qui se cachent au-delà de notre regard. Mais pour celui qui voudrait encore passer quelques temps dans le Temple de l’Amour, la somptueuse porte de l’ouest l’attend : Eusébia.
Cet article est le sixième d’une série consacrée aux origines de la politique dans notre rapport initial à l’autre.
Introduction, la naissance de la politique
Éros, la forme primitive de l’amour