Les vents qui s’entremêlent à présent dans le Temple de l’Amour caressent la belle étoffe des bannières flottant depuis le sommet du dôme. Des courants chauds et secs côtoient les brises tièdes, formant un tourbillon enivrant d’émotions variés. L’homme qui se tient près de l’autel, au centre de l’octogone sacré regarde pourtant d’un œil sceptique vers l’Ouest. Une porte reste obstinément fermée, située entre la belle et tendre porte de Storgê et la monumentale Xenia, toutes deux à présent ouvertes. Cet ouvrage d’argent fait face à Philia, la porte d’or d’où exhalent les souffles brulants de l’amitié fondatrice. Son nom est Eusébia, elle est le passage menant à la société et à la cité, aux nations et aux empires. Le métal brillant des battants est aussi froid que la glace, il est couvert d’inscriptions complexes et de schémas sophistiqués. La porte est tenue fermée par milles petits verrous ouvragés attendant patiemment que les clefs de l’étiquette et de la sociabilité viennent les ouvrir. Un frisson saisit l’échine de l’homme observant cette machines complexe. Son aspect trahi l’ennui, la complexité, le travail minutieux et pénible. Mais lorsqu’il lève son regard vers le sommet de l’ouvrage, il découvre une chouette d’argent aux yeux plus profond que la nuit. Elle est la sagesse ancienne guidant les hommes à travers les nuits froides, elle est la promesse d’une grandeur sans limite.

L’Eusébia est le respect que l’on porte à ceux que l’on craint
Lorsqu’à Byzance, les premiers ordres monastiques chrétiens virent le jour dans les derniers soubresauts de l’antiquité, ils inventèrent un parcours initiatique unique. Les moines commençaient leur ascension en tant que cénobites, enfermés dans des monastères à prier et lire les écritures en commun. Lorsque leur esprit était suffisamment aguerri par la discipline, ils quittaient leurs frères pour le désert, devenant des anachorètes, des moines ermites. Cette opposition entre la vie communautaire et la solitude n’était pourtant pas la fin des épreuves car un dernier échelon attendait les plus saints des anachorètes. Revenant du désert, ils réintégraient la société avec un regard changé, comme des anges tombés du ciel, observant avec ironie et tendresse les folies des mortels. Ces derniers étaient appelés des fous en raison de leur comportement étrange et libre. Les fous furent rapidement prohibés puis pourchassés, aussi bien par les institutions impériales que l’Église naissante. Leur liberté était en effet nocive pour la société, dérangeante pour l’ordre moral et les coutumes.
La force de la cité prévaut ainsi le plus souvent sur les folies des hommes et ses lentes réformes ne sont qu’un moyen d’accentuer la supériorité des règles communes sur les volontés individuelles. Sans cette force ou lorsque celle-ci devient plus faible qu’une folie passagère, l’ordre social s’effondre et la cité disparaît. L’individu n’est donc jamais seul, il existe dans un réseau intriqué de normes, d’étiquettes et de lois qui lui permet de se mettre en relation avec ses congénères selon une certaine formalité. Dans nos vies quotidiennes, bien que nous côtoyions plus longtemps nos proches nous entrons en contact chaque jour avec des dizaines, si ce n’est des centaines d’individus. Ils ne sont pas des étrangers mais nous ne les connaissons le plus souvent que par leur profession. Ils sont le commerçant, le surveillant, le professeur, le policier, le juge etc… Aucun des sentiments d’amitié, de désir, de charité, de tendresse ou d’hospitalité ne nous saisit lorsque nous échangeons avec eux. Bien au contraire, c’est une relation froide, fondée sur le respect et les normes qui nous permettent de les atteindre. Quel étrange comportement, quelle étrange émotion que celle de la rencontre éphémère entre un vendeur et son client, un contrôleur et un voyageur, un policier et un citoyen…
Ce comportement est induit par un sentiment que l’on nomme « respect ». Il traverse la société dans le but d’y imposer la cohérence logique, l’harmonie spirituelle et l’ordre politique. En grec, c’est le mot d’Eusébia qui traduit le plus clairement le sentiment sous-jacent à l’idée. Il est composé du préfixe Eu- (bon, bien) et de la racine Sebas (la crainte). D’un point de vue individuel, le respect est donc lié à une crainte positive. Mais que craignons-nous lorsque nous ressentons du respect ? Ce n’est clairement pas l’individu que nous respectons qui nous fait peur car le respect a de multiples facettes et si nous respectons en effet un policier par crainte de l’amende ou de la punition, nous respectons une caissière simplement par formalité sociale. Ainsi, dans les deux cas, ce n’est pas la personne même qui impose le respect mais son rôle dans le tissu politique. L’exemple du policier est le plus frappant car le sentiment de crainte à son égard est composé de deux parties distinctes. La première est le respect de l’uniforme, l’individu qui le porte n’est alors qu’un accessoire de l’État qui transmet la puissance publique aux citoyens par le biais de la force coercitive. Dans ce cas, c’est bien l’Eusébia qui est en jeu car la crainte est justifiée par l’ordre social et la justice. La seconde est la peur de l’individu armée. Dans ce cas, ce n’est plus l’uniforme que l’on craint mais le fou potentiel qui pourrait utiliser les armes que l’État lui a fourni pour satisfaire ses propres vices. Il ne s’agit donc plus ici de respect mais simplement de peur.
Si l’exemple du policier est un cas extrême, nous retrouvons la forme logique de l’Eusébia dans toutes les relations socio-politiques. La plupart du temps, c’est l’État qui joue le rôle de force abstraite qu’incarne l’agent pour lequel nous éprouvons du respect mais cela n’est pas toujours le cas. Ainsi, sur le marché du travail c’est précisément le marché qui impose le respect envers les employeurs à travers la peur du chômage et de la misère. Dans les milieux religieux, c’est l’Église et à travers elle, Dieu qui impose le respect envers les prêtres par la peur de la damnation éternelle. L’Eusébia est donc un type particulier de crainte que nous éprouvons envers un individu mais cela, non pas à cause de lui-même mais de son existence en tant qu’agent d’une force supérieure. Cette dernière est une abstraction de l’ordre, de l’harmonie sociale qui règne entre les individus d’un même groupement humain.

L’Eusébia ne nous fait pas craindre l’individu mais la force abstraite et collective qu’il représente
L’homme se tenant debout dans le temple marche avec circonspection vers la porte d’Eusébia. À chacun de ses pas le rapprochant du monument il sent augmenter le froid solennel, pénétrant sous sa peau comme mille aiguilles mortelles. Les vents provenant de l’extérieur semblent directement issus des couches supérieures du ciel, transportant avec eux le souffle immortel du temps. Des volutes glacés composés de milles cristaux gelés s’échappent des interstices de la porte. La main de l’homme vient se poser sur les battants d’argent, un frisson provoqué par la douleur du contact saisit son échine. Son instinct lui hurle de fuir, d’éloigner ses doigts de la glace mortelle mais sa curiosité vient apaiser sa peur. La chouette d’Athéna s’élève toujours vers le trône de Zeus et l’appétit de connaissance de l’homme lui donne les moyens de dépasser les épreuves les plus difficiles.
La rigidité du système de valeurs et de comportements qu’impose l’Eusébia est à la fois la cause de la douleur que génère la société et le garant d’une possibilité nouvelle de liberté. En effet, les règles sociales, l’étiquette, les bonnes manières et les formes en général permettent un contact rapide et efficace entre des individus qui n’auraient pas intérêt à prolonger inutilement leur rapport. Elles forment comme un labyrinthe complexe mais logique de chemins à parcourir pour s’adresser à autrui en fonction de l’utilité propre de la relation. Cela permet donc de faciliter la communication en donnant naissance à un langage propre à chaque société. En effet, tous les groupements humains organisés disposent d’une forme particulière qui en détermine l’identité. Ainsi, c’est cette forme qui s’impose à l’individu et qui provoque en lui la crainte qu’est l’Eusébia.
Or, si nous supposons l’existence d’une telle forme et de ses conséquences sur les comportements et les sentiments de tous les individus qui évoluent dans la société qu’elle génère, alors nous devons chercher à connaître sa nature. Une traduction alternative de l’Eusebia est la piété. En effet, une crainte bénéfique suppose que l’objet du respect dispose d’au-moins deux attributs essentiels : la puissance (car sinon il n’y aurait pas de crainte) et la supériorité morale (car sinon cette crainte ne serait pas bonne). Ces deux éléments caractérisent la revendication principale des religions instituées. En effet, indépendamment de la validité de leurs dogmes respectifs, ces modèles d’interaction sociale affirment toujours la supériorité morale et ontologique de leur principe, que celui-ci soit considéré comme un dieu ou comme une philosophie. Par ailleurs, sur le plan étymologique, le mot religion est issu du latin religio signifiant « relier ». Ainsi, le lien formé par individus d’une communauté sous l’égide de la forme sociale elle-même est toujours une religion.
La réduction du terme de religion au culte spécifique d’un ou de plusieurs dieux dans des temples est donc une construction moderne car tout comme pour le latin Religio, le grec Treskeia est employé pour qualifier le maintien en place d’une structure supérieure. L’étymologie du grec Treskeia est d’ailleurs apparentée au sanskrit Dharma (la loi) et ces deux termes sont issus de l’indo-européen Dher signifiant « tenir ». Ainsi, l’Eusébia est comme un chemin menant à la Treskeia, elle est une crainte que nous ressentons lorsque nous nous tenons en face de l’entité abstraite qui régit une société donnée. L’expression la plus pure de cet état de fait est sans doute présent dans le culte de l’être suprême des révolutionnaires français. Lorsque l’ancien régime chuta sous le poids de la décadence de l’aristocratie, le christianisme s’effondra avec lui. Or, le Christ était lui-même l’ancien garant de la Treskeia, la cause de l’Eusébia ressentie par tous les chrétiens envers les autorités multiples des monarchies et de l’Église. Ainsi, quand Robespierre, à la tête du Comité de Salut Public, se rendit compte que la république naissante risquait de disparaître sans l’existence d’une entité abstraite incarnant l’autorité de l’État, il proposa d’instituer des fêtes publiques déistes en l’honneur d’un Être Suprême, dont le rôle se réduisait exclusivement à représenter la Treskeia de la France.
Pourtant, plus l’entité qui s’assoit sur le trône de la Treskeia est abstraite, moins les individus membres de la société ont tendance à ressentir l’Eusébia et donc à respecter l’ordre politique. C’est pourquoi chaque société est différente, la forme de la Treskeia change, permettant des objectifs diversifiés, des conquêtes, des aspirations, des rêves distincts. Zeus ne règne pas de la même manière sur l’Olympe que le Père sur la Cité de Dieu, le Ciel ne s’impose pas sur l’empire du milieu de la même manière qu’Allah sur le Califat, Marianne ne règne pas sur la République comme les Pères fondateurs sur l’Union et même au sein de chacune de ces cultures, des différences sensibles apparaissent au sein des interprétations de l’ordre social que son abstraction en une entité indépendante permet de supposer. Il n’est donc pas possible de déterminer la nature propre de l’Être régnant sur la Treskeia d’une société donnée sans étudier dans le détail le comportement des individus qui la compose. Nous revenons donc à notre point de départ. C’est la connaissance particulière des us et coutumes, de l’étiquette et des manières de se comporter qui permettent de construire, au cas par cas, le modèle complet de la Treskeia et ainsi de savoir adapter son Eusébia à toute situation.
Zeus est le maitre de l’Olympe, l’incarnation même de la Treskeia des Hellènes. Selon Hésiode, sa première épouse était Métis, la personnification de la connaissance de toutes choses. Mais Gaïa, la terre-mère prévint un jour Zeus que le fils qu’il aurait avec Métis serait si puissant qu’il le détrônerait comme lui-même avait détrôné Cronos, le dieu du temps. Zeus décida alors d’avaler Métis. Plus tard, une migraine terrible saisit le dieu. Appelant à la rescousse son fils Héphaïstos, il lui commanda de lui ouvrir le crâne à l’aide de son marteau. Frappant de toutes ses forces, le dieu des forgerons et des artisans libéra Athéna qui sortit toute armée de la tête de Zeus. Ainsi naquit la déesse de l’intelligence et de la sagesse, la chouette qui guide l’esprit des hommes vers le trône du souverain de l’Olympe.
L’homme qui se tient devant la porte d’Eusébia sent alors sur son épaule la douce caresse de la déesse. Murmurant à sa oreilles milles souvenirs ordonnés, elle fait apparaître en ses mains un trousseau de clefs aux couleurs prismatiques. La mémoire et la logique de l’homme travaillent de concert pour trouver une clef pour chaque serrure. Il apprend à manipuler l’immense mécanisme, faisant tourner les engrenages de la société, s’insérant dans les interstices des lois, maitrisant la parole, l’écriture et les formes car la porte d’Eusébia ne peut être soumise que par l’intelligence pure de la déesse. Le dernier verrou saute et un souffle immortel pénètre dans le temple. Lentement les battants d’argent sont repoussés par les nuées glaciales du ciel qui s’accumulaient à l’extérieur. L’homme plissant les yeux lève sa main droite pour protéger son visage du gel, il n’arrive pas encore à percevoir directement la lumière provenant des éthers. Le brouillard glacial pénètre lentement sous le dôme, refroidissant le temple et éteignant les cierges qui brulaient sur l’autel.

L’intelligence nous permet de maitriser le respect en comprenant l’ordre social, de dépasser l’Eusébia pour atteindre la Treskeia
Quand nous avons dépassé l’usage pratique de la connaissance sociale et que nous sommes à même de danser sur les interactions formelles qui composent le monde politique, nous nous retrouvons face à une problématique morale. Tout ordre est-il nécessairement sain ? Peut-on réellement parler d’Eusébia si l’ordre social qui entraine la crainte chez l’individu est malsain ? En effet, comme nous l’avions déjà dit, le préfixe -eu signifie le caractère bénéfique de la crainte mais la nature du bien pose un véritable problème philosophique. La définition minimale de la Treskeia serait pourtant l’harmonie au sein de la société. Si son modèle interrelationnel est à même de produire une stabilité politique et une paix sociale, le respect de cet ordre, c’est-à-dire l’attitude craintive vis-à-vis des membres inconnus de cette société pourrait alors être considéré comme légitime. Ainsi, dans ce cas particulier, le comportement respectueux est bien une porte du contact avec autrui. Mais cela n’est pas toujours le cas.
Imaginons une société extrêmement violente où les individus d’un groupe A peuvent être autorisés, selon la norme, à agresser les individus d’un groupe B. Pourrait-on réellement dire que les membre du groupe A se mettent en relation avec les membres du groupe B lorsqu’ils les violentent, et cela, quand bien même il s’agirait d’une règle instituée et ancienne ? Du point de vue exclusif de l’Eusébia, la réponse est forcément : oui et c’est pourquoi nous avons affirmé que la porte du temple qui s’y réfère est froide comme les vents glacés du ciel. Mais il nous faut affiner ce raisonnement. Si la violence est excessive, alors la stabilité sociale n’est pas absolue et une révolution risque de poindre à chaque instant. Pire, une société voisine disposant d’un système plus équilibré pourrait finir par contaminer les institutions de la première et faire disparaître le dieu tyrannique. Ainsi, du point de vue interne, l’Eusébia est conditionné par la Treskeia, quelle que soit celle-ci. Mais la Treskeia est elle-même un organisme vivant dans le temps et entouré d’autres organismes. Il existe donc nécessairement une évolution des sociétés, des états, des religions, des entreprises. En sommes, de toutes les organisations formelles d’êtres humains. Cette évolution est alors le fruit de la compétition entre ces sociétés.
Mais toute compétition suppose l’existence de règles ou d’éléments extérieurs permettant d’arbitrer la victoire et la défaite. Dans le cadre de la Treskeia, la victoire est la stabilité et la défaite, l’effondrement. Les moyens de la compétition sont alors aussi nombreux que les éléments de la vie humaine. Les arts, les sciences, les religions instituées, la culture influencent par la beauté, la vérité ou le bonheur. La guerre, l’industrie ou l’économie peuvent détruire des sociétés par la force brute et la violence. Il existe donc un règne supérieur aux trônes qui régissent chaque sociétés particulières. Ce règne est celui de la nature elle-même et chaque Treskeia cherche à évoluer pour devenir une incarnation pure de l’ordre naturel. La raison de cela étant qu’en ne poursuivant pas cet effort, elles finissent par s’effondrer, remplacées par des modèles plus adéquats et pérennes. Or, ce qui est de l’ordre naturel n’est pas qualifié en grec de Treskeia mais d’Hosiotès, de saint. On distingue donc deux formes d’ordre : l’harmonie particulière des cités qui permet à leurs membres de se contacter entre eux et l’équilibre naturel du monde qui régit le rapport entre les cités et leur devenir.
Ainsi, l’Hosiotès est la nature réelle du ciel, le trône de Zeus que chaque cité, société, nation ou empire tente désespérément de reproduire afin d’assurer sa survie. Athéna qui nous indiquait auparavant le meilleur moyen de nous informer sur l’Eusébia dans notre cité par une connaissance de la Treskeia, nous élève à présent au niveau de l’Hosiotès. Après avoir craint l’ordre de la société, nous commençons à le voir bouger au cours du temps et à saisir les mécanismes qui nous permettent d’accompagner ce changement. Notre manière d’entrer en relation avec l’inconnu de notre cité n’est plus alors simplement social mais il devient politique. L’Hosios, le règne de Zeus sur l’Olympe, devient le modèle que nous cherchons à découvrir par notre intelligence pour adapter la Treskeia de notre propre société aux exigences de la nature et du temps.
L’augmentation de la puissance de l’humanité à travers les technologies et les arts complexifie au fur et à mesure les systèmes d’interrelation et rend de plus en plus nécessaire l’invention de Treskeia de plus en plus larges. Au départ, des petites tribus se battaient pour des ressources éparses jusqu’à devenir des cités-états indépendantes. Mais avec le temps, ces entités politiques se sont associées en ligues puis en empires sous la puissance des armées. Mais la violence qu’entrainait le modèle impérial fit s’effondrer ces sociétés antiques pour faire jaillir un ordre religieux. Puis, les incohérences et la folie des hommes entrainèrent schisme après schisme faisant s’effondrer le rêve d’une unification de l’humanité sous le règne du Christ. La politique et les valeurs nationales prirent le pas sur la spiritualité pour s’efforcer de constituer un ordre mondial qui après de nombreux soubresauts et guerres pris fin dans une Organisation des Nation Unies aussi faible qu’inutile. Mais la technologie, la science et l’industrie grandissaient à mesure que les nations conquéraient le monde et tentent à présent d’établir un ordre marchand et économique. Pourtant, tribus, cités-états, ligues, empires, religions, nations, gouvernements mondiaux et conglomérats marchands planétaires continuent de se battre et de s’adapter pour briguer le trône de Zeus. Eh oui, même les tribus subsistent car le règne de l’Hosios n’est pas nécessairement fait d’une dominance planétaire, il pourrait simplement supposer l’équilibre et l’harmonie d’un groupe social et si sa faiblesse est en effet un risque pour sa survie, la beauté et la simplicité peuvent constituer des boucliers puissants contre les velléités conquérantes des empires. Seul le temps nous dira si Zeus demeurera sur l’Olympe où s’il s’incarnera en une Treskeia absolue soumettant l’Eusébia de tous les hommes à la puissance d’un Empereur-Dieu de l’humanité.

Toutes les sociétés tendent lentement vers le règne de Zeus, transformant la Treskeia en Hosios
Une statue s’élève entre l’autel qui forme le cœur du temple et la porte d’Eusébia. Athéna toute armée fait face à l’ouvrage d’argent, elle lève sa lance comme pour indiquer que la guerre est la nature permanente des relations qui unissent les cités. L’intelligence, la sagesse et la connaissance ne sont que des moyens pour les hommes de découvrir la Treskeia de leur cité par la maitrise de leur propre Eusébia. Puis, lorsque cet acte et accompli et que la porte est ouverte, de modifier peu à peu cette Treskeia pour l’adapter à l’Hosios, le règne de Zeus. L’homme s’est à présent habitué au froid qui jaillissait de l’autre côté de la porte, il ne le fait plus frissonner, ne le tétanise plus mais devient une source de gloire et de courage. Plongeant son regard derrière les brumes il voit resplendir les pics hyperboréens de l’Olympe immortel. Les neiges de l’éternité brillent aussi fort que les rayons brulant du soleil qui s’échappent de la porte de Philia. La porte d’Eusébia s’est ouverte avec fracas mais les vents se sont liés sous le dôme de marbre du Temple de l’Amour assurant l’harmonie divine au cœur de celui qui l’habite. À présent, l’homme, le roi puissant, tourne son regard vers le Nord où s’élève une porte d’obsidienne, aussi sombre que la nuit. D’un pas lent et solennel il se dirige vers le passage de l’universel absolu : la porte de Koinonia.
Cet article est le septième d’une série consacrée aux origines de la politique dans notre rapport initial à l’autre.
Introduction, la naissance de la politique
Éros, la forme primitive de l’amour
Agapè, l’amour menant au Christ