La naissance de la politique

Imaginons-nous un homme marchant dans le désert. Partout où son regard se pose, il ne voit que du sable, des rochers, le ciel et peut-être quelques animaux survivant péniblement dans cet environnement stérile. Son quotidien est alors la solitude et pourtant, il pourrait demeurer en lui quelques étincelles fugaces d’un sentiment politique. Bien entendu, ces bribes ne seraient que le résultat de souvenirs d’un temps où il partageait encore la vie de ses semblables.

Le philosophe est comme cet homme. Il a quitté le monde des mortels pour s’enfuir loin dans les plaines désertiques de la pensée, ne faisant plus que résonner les souvenirs de ses relations. Mais il sait alors que c’est dans le désert que l’air est plus pur, que la lumière est plus forte et que les étoiles scintillent le plus clairement. Ainsi, le sentiment menant à la politique existe dans la fine membrane qui nous sépare de notre prochain. Celui qui désire comprendre la cité, fonder des civilisations, prendre la place des rois et conseiller les empereurs doit commencer par saisir ce premier sentiment, la sortie de moi-même pour toucher l’autre.

Nos esprits errent dans une désert, cherchant une source pour s’abreuver.

Notre philosophe du désert cesse alors de marcher car ce n’est pas derrière les dunes qu’il trouvera la suite de son chemin mais au sein de son propre esprit. S’étant assis sur un rocher, il plonge dans sa mémoire pour en extraire le souvenir de ses proches. Il voit alors poindre une multitude de relations possible. Pour chaque personne qu’il a rencontrée, un sentiment différent lui apparait. Pourtant, comme pour l’existence d’une infinité de couleurs possible que nous distinguons par des noms englobants, nous pouvons établir des catégories au sein de nos sentiments afin de séparer les relations en fonction de certaines similarités. La méthode que nous employons repose alors sur de nombreux éléments distincts : la qualité particulière du sentiment, le temps passé avec la personne, l’origine de la rencontre, la jonction de cette relation avec d’autres etc… La quête que nous poursuivons alors n’est pas simple car il nous faut réfléchir sur deux plans à la fois.

Premièrement, nous devons penser nos relations humaines de manière incarnée car la pensée du philosophe se doit d’être issue de sa vie réelle afin que les réponses à ses questionnements puissent avoir des conséquences sur son existence. Si nous échouons à cela, notre pensée demeurera froide, analytique et sans fondement ce qui entrainera nécessairement deux issues : Soit nous ne dirons rien d’autre que ce qu’un autre a déjà dis sans rien apporter au débat. Soit nos conclusions seront fausses car infondées sur les réalités de la vie humaine.

Deuxièmement, nous devons prendre en compte la manière par laquelle nous pensons, c’est-à-dire nos systèmes, nos croyances, nos raisonnements, nos a priori etc… Il nous faut donc savoir à la fois les remettre en cause et prendre conscience que nous ne pouvons pas penser en dehors des concepts et des catégories. En effet, même si des sentiments fugaces peuvent apparaître dans notre esprit comme des mystères brumeux, ils ne peuvent s’incarner qu’à travers le verbe que nous prononçons et qui nous permettra de les développer en dehors de notre temple intérieur.

Nous y sommes donc : le philosophe assis sur son rocher porte son regard à la fois dans son cœur qui contient le souvenir de toutes les personnes qui ont croisé le chemin de son existence et dans les étoiles du ciel, ces immuables principes qui régissent et structure l’univers. Servant de lien entre les hommes et les dieux, le pèlerin du désert peut alors parler et c’est son verbe qui constituera la naissance de la politique.

Quelles étoiles forment la constellation de l’amour ?

Vox clamantis in deserto. La voix parlant dans le désert, mais que dit-elle ? Quelle est cette constellation qui, apparaissant dans le regard de Jean et résonnant avec les cris de son cœur forme les premiers mots d’une nouvelle ère ? Quelles étoiles gouvernent nos relations avec les autres êtres humains ? Par quels concepts pouvons-nous saisir celui ou celle qui, n’étant pourtant pas moi, me ressemble sur tant de points ? Qui est donc cet autre que j’appelle mon semblable ? Comment sortir de mon temple ? Qui est-il ? Qui suis-je ?

Voilà donc le début de la politique et les premiers mots balbutiés sont Amour, Désir, Hospitalité, Devoir… Pourront plus tard venir Amitié et Respect, Unité et Vie. Mais ils demeurent encore comme un imbroglio de conceptions obscures dont on ne saisit pas encore la nature propre. Voilà donc les étoiles qui constituent la constellation première de la politique, voilà donc le discours que je me suis proposé de vous délivrer à la suite des pérégrinations rêveuses de mon âme. Je vous parlerai des dieux que les Grecs révéraient dans le ciel, du Christ que Jésus incarna par sa vie, des civilisations qui depuis l’aube des âges ont proposés leurs manières de structurer ces concepts, de l’état actuel de notre monde et des relations nouvelles que le temps des technologies a engendré. Je vous parlerai donc du passé, du présent et peut-être même des futurs possibles.  

Cet article est l’introduction d’une série consacrée aux origines de la politique dans notre rapport initial à l’autre.

Une réflexion sur “La naissance de la politique

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