Une bonne fois pour toute, qu’est-ce que « l’âme » ? (Le point d’équilibre de l’aristotélisme, cinquième partie)

Cet article est le cinquième d’une série de sept qui porteront sur la recherche du point d’équilibre de l’aristotélisme. La complexité d’un système trop souvent laissé pour compte à cause de son ancienneté et d’une mauvaise perception qui a fait croire à son obsolescence est devenue une raison d’ignorer le plus grand des philosophes. Nous proposons ici une manière originale d’aborder cette philosophe afin de lui redonner le caractère éminemment contemporain qu’elle n’aurait jamais dû perdre.

Achille voit Patrocle par-delà la mort

Il peut y avoir deux mouvements séparant la théorie de la pratique. Le premier, descendant de la connaissance à l’action, est appelé « application » car il ne prend le savoir que dans son aspect utilitaire relativement à une fin déterminée. On le retrouve par exemple dans l’éthique où la connaissance des valeurs et de l’esprit humain nous permet de choisir nos actes. Le second mouvement, ascendant cette fois, part de nos pratiques pour en déduire des connaissances qui constituent alors leur propre fin. On peut parler de raisonnement « anagogique » car il élève la pensée de la simple utilité́ pratique au savoir en soi. Dans le cas qui nous concerne, il s’agit donc d’analyser les formules éthiques pour en déduire des connaissances sur la nature humaine. Si nous partons de l’éthique des vertus d’Aristote, cette somme de connaissances constitue alors une forme aristotélicienne de la philosophie de l’esprit.

Mais ne perdons cependant pas de vue deux aspects essentiels : premièrement, un tel raisonnement ne peut trouver de valeur à nos yeux que parce que la partie strictement pratique et utilitaire de l’éthique a été accomplie jusqu’au bout. Sans cela, il serait toujours possible de remettre en cause un tel raisonnement au nom de son manque d’utilité́ pratique : « Cela ne nous rapporte rien ! Ça ne remplira pas l’assiette ! » sont des invectives qui exigent une pratique assidue de l’éthique avant de pouvoir aborder les sujets proprement scientifiques et métaphysiques. Deuxièmement, remarquons que le premier moteur de ce raisonnement est la curiosité́ et donc une forme de recherche du plaisir. Il n’y a pas de mal à constater qu’en analysant les moyens et les fins éthiques, nous en venions à désirer connaitre les causes de ce fonctionnement. Pour autant, le plaisir n’est qu’une fin inférieure et ne doit surtout pas être confondu avec un mode de validation pour la vérité́. Le plaisir n’est donc qu’un sous-produit d’une recherche du savoir. Encore une fois, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille le rejeter, puisqu’il est une conséquence naturelle de la recherche de vérité́. Seulement, celui-ci doit être pris dans sa juste mesure et non comme fin unique au risque de tomber dans les vanités de l’érudit qui s’éloigne de la vérité́ pour s’affairer à des subtilités sophistiquées dénuées de sens.

L’éthique aristotélicienne nous enseigne deux choses. Premièrement, il y a trois types d’objectifs pour nos actes : l’utile, l’agréable et le loisir pur. Or, il existe dans le modèle péripatéticien de l’âme trois parties distinctes : l’âme végétative, animale et humaine. Pouvons-nous alors établir une correspondance entre les premières données issues de l’éthique et les secondes provenant de l’étude de l’âme ? Deuxièmement, nous avons entendu parler de plusieurs concepts concernant l’âme en général : La personnalité́, l’habitude, la nature humaine, les dispositions… En mettant en relation ces concepts avec la description des parties de l’âme, quelle définition générale pourrons nous alors donner à « l’âme » ?

Les parties de l’âme

L’âme n’étant pas un objet observable par nos sens, le concept de « partie de l’âme » doit trouver un substitut à la séparation spatiale de blocs physiques distincts. En effet, nous ne pouvons pas observer physiquement des morceaux d’âme flottant autour du corps pour déterminer les différentes parties de cet objet. Ce substitut permet alors de discriminer au sein d’un ensemble, des parties pouvant être étudiées séparément. Or, Aristote opère une grande partie de ses raisonnements sur une distinction des fins : Telle chose peut-être déterminée comme chose en tant qu’elle tend vers une fin définissable. Il en va ainsi pour l’âme dont les parties sont distinguées au travers des fins qu’elles accomplissent.

Parmi ces fins, nous pouvons trouver pêle-mêle :  la satisfaction des besoins alimentaires, la reproduction, la recherche du plaisir sexuel, le désir de connaissance, le désir de créativité, d’honneur, d’amour, de joie etc. Étudier les parties de l’âme consiste donc à classer ces différentes fins et à les hiérarchiser au sein d’un système disposant lui-même de valeurs à même de déterminer le rapport entre ces fins. En effet, le simple fait de classer ces fins en fonction de leur ressemblance ne permet pas de comprendre le rapport qui peut exister entre ces classes. Une première étape consiste donc à rassembler les fins similaires et une seconde à déterminer le sens et l’interaction de ces classes.

Chez Aristote, l’âme est composée de trois parties.

La première distinction par les fins est l’utilité. Or, celle-ci peut elle-même être séparée en deux parties distinctes dont la différence est constituée par le degré́ d’éloignement vis-à-vis de la fin dernière. En effet, l’utilité cherche avant tout la survie du corps et certains actes sont en rapport direct avec cette survie alors que d’autres ne sont que des moyens d’atteindre ces premiers actes. Par exemple, se nourrir contribue directement à la survie alors que faire pousser de la nourriture dans un champ contribue à se nourrir et seulement ensuite à la survie. Nous pouvons donc distinguer d’une part les actes par leur fin et d’autre part, par leur moyen d’atteindre leur fin. Ainsi, si les végétaux ont un rapport exclusivement direct à la fin qu’est la satisfaction des besoins alors que les animaux ont à la fois le rapport direct et le moyen indirect pour arriver à la survie.

Les végétaux se sustentent, croissent et se reproduisent directement puisque leurs racines amassent continuellement les nutriments, leurs feuilles produisent automatiquement la photosynthèse et leurs fleurs se font polliniser passivement par les insectes pour produire les fruits de la reproduction. Mais les animaux ont un rapport indirect à la survie car ils doivent chasser, migrer, rechercher les lieux de nourriture, fuir les prédateurs, trouver les ruisseaux etc. Ainsi, un certain nombre de fins peuvent se rapporter à la satisfaction des besoins car les besoins sont de deux types : la persistance dans la vie de l’individu qui est obtenue par la nutrition et la persistance dans l’existence de l’espèce qui est obtenue par la reproduction. Ces deux parties de la même fin qu’est l’utilité constitue la totalité des actes des végétaux puisqu’ils ne peuvent rien faire d’autre que cela, ainsi il est possible d’attribuer à cette fin une partie de l’âme que l’on appelle alors âme végétative.

Or, puisque les animaux poursuivent cette fin indirectement, cela suppose que certains de leurs actes ne trouvent pas pour fin directe la satisfaction des besoins. Ces actes sont de deux catégories distinguées par les deux éléments mécaniques qui, ensemble, permettent alors de retrouver la fin première de l’âme végétative. Il y a, d’une part, la sensibilité dont la passivité permet de recevoir les informations de l’environnement et de les traiter. Et d’autre part, l’ensemble des fonctions motrices qui permettent de réagir en fonction de ces informations afin d’atteindre la fin de survie recherchée.

Or, si la survie n’apparait pas directement dans la fin de ces actes, un élément doit pouvoir la remplacer afin de constituer le motif de leur existence : cet élément est le plaisir. C’est pourquoi l’âme animale peut-être distinguée en tant que classe dont la fin est la recherche du plaisir. La sensation et la motricité sont donc les deux parties d’une âme unique définie par la recherche du plaisir. En effet, les sens en eux-mêmes sont neutres car ils ne font que transcrire au sein d’un organisme des phénomènes physiques. Ce sont donc les deux sensations supplémentaires de plaisir et de souffrance qui permettent de valoriser les informations reçues afin d’en dériver un comportement spécifique : s’approcher du plaisir et s’éloigner de la souffrance. Ainsi, les animaux ont à la fois l’âme végétative car, étant des êtres vivants, ils doivent persister dans l’existence en tant qu’individu et en tant qu’espèce, et l’âme animale car cette persistance est obtenue indirectement au travers d’un mécanisme complexe poursuivant la recherche du plaisir. C’est pourquoi les espèces disposant de l’âme animale peuvent, lorsque la survie est acquise pour un temps, poursuivre une fin seconde qu’est le plaisir pur.

L’homme est un animal dans le sens où il possède l’âme animale. Il est également un être vivant et possède donc aussi l’âme végétative. Nous savons tous en effet que nous avons besoin de survivre et que nous ressentons le plaisir comme une fin désirable. Pour autant, cela ne signifie pas que seules ces deux fins inferieures existent et même le plus rustre des individus aura une préconception de la possibilité d’autres objectifs, d’autres réalités atteignables. On peut retrouver des principes comme la vérité́, la beauté́ et le bien qui motivent ainsi les actes des hommes au-delà̀ de leurs besoins et de leurs désirs immédiats. Or, puisque nous percevons l’existence de fins distinctes de celles qui déterminent la nature de l’âme végétative et de l’âme animale, nous pouvons en déduire que nous disposons d’une âme supplémentaire par rapport à celle des animaux et que nous sommes les seules dans la nature à la posséder. C’est pourquoi Aristote lui donne le nom « d’âme humaine ».

C’est donc pour l’instant par la négative qu’il nous est possible de déterminer la nature de la troisième âme. Elle correspond à ce qui forme le principe des actes qui ne dépendent ni du besoin, ni du désir. Or, contrairement aux deux premières parties qui étaient constituées de fins simplement déterminables, cette troisième partie comporte un grand nombre de fins possibles qui doivent donc être agencées selon une méthode différente de ce qui a été utilisée auparavant. En effet, contrairement à l’âme végétative et l’âme animale, l’âme humaine n’est pas nécessaire à la survie et c’est pourquoi elle est la seule à être proprement libre puisqu’elle trouve son principe en elle-même et non dans son environnement. Il ne faut cependant pas perdre de vue que ce n’est pas parce que cette partie de l’âme est hiérarchiquement supérieure aux deux autres que celles-ci ne doivent pas accomplir leurs fin. L’homme se définit donc par la présence en lui de l’âme végétative, de l’âme animale et de l’âme humaine dont les objectifs de chacune doivent être accomplis en vue de la sagesse.

Du point de vue de la distinction des facultés, nous avons observé́ que les fins supposent des moyens pour les accomplir. Or, tous les moyens qui sont supposés par les fins de l’âme végétative et de l’âme animale ne peuvent donc pas par définition faire partie des facultés de l’âme humaine. Ainsi, les sens, l’imagination, la motricité́, le plaisir et la souffrance ne font pas partie du mécanisme de celle-ci. Nous pouvons particulièrement remarquer que la sensibilité́ appartenant à l’âme animale, les données qui en sont issues ne doivent pas faire partie des conditions initiales des raisonnements contemplatifs. Il y a donc dans la notion d’âme humaine, la supposition d’un mode de perception distinct de la sensibilité́. On parle d’intellect ou d’intelligence. Or, l’âme humaine se définissant par sa liberté́, c’est-à-dire par le fait de trouver sa fin en elle-même, nous pouvons en déduire que les objets de l’intellect doivent se trouver au sein de l’âme humaine. Il devient donc possible de considérer deux parties à celle-ci.

D’une part, nous trouvons l’intellect potentiel qui contient ces fins en puissance et permet donc leur existence a priori de notre perception de celles-ci et d’autre part, l’intellect agent qui actualise ces puissance en leur donnant un réalité́ dans notre esprit, c’est ce que nous appelons alors « penser ». Autrement dit, l’âme humaine contient en puissance toutes les connaissances pures, c’est-à-dire les formes que constituent les fins de l’âme humaine, mais ne peut les rendre effectivement perceptibles en tant que pensées qu’à travers l’action d’une partie distincte de ces connaissances pures qu’on appelle alors l’intellect agent. Comme pour la séparation entre la sensibilité́ et la motricité́ dans l’âme animale, la distinction entre l’intellect potentiel et agent dans l’âme humaine ne suppose pas l’existence de deux âmes distinctes car les deux sont dépendantes l’une de l’autre. En effet, l’intellect potentiel permet l’existence séparée des fins possibles mais celles-ci ne peuvent prendre racine dans la réalité́ qu’à travers l’intellect agent. Inversement, l’intellect agent sans l’intellect potentiel est sans objet et perd donc sa fonction première qui est de réaliser ces fins sous forme de pensées.  

La nature de l’âme

La métaphysique est le domaine dont les concepts sont les plus difficiles à comprendre et cela car ils demandent d’user d’un type de perception intellectuelle qui ne repose pas sur les sens et exige donc un mode de raisonnement spécifique. La conséquence de cela est que les concepts dont ce domaine traite peuvent ne pas apparaitre comme évident ou même existant. Deux attitudes extrêmes face à la métaphysique doivent donc être évitées à tout prix.

Le premier est le rejet systématique qui consiste à ne prendre pour convainquant que les objets strictement sensibles et particuliers. Cette attitude s’observe dans le monde moderne au travers des idéologies scientistes qui tentent de réduire l’ensemble de l’existence à des rapports mécaniques entre objets physiques. Le second est l’acceptation irraisonnée d’un concept enrobé de son dogme. La métaphysique n’est plus alors qu’une croyance infondée consistant à répéter une phrase attribuant des caractéristiques à un mot. Dire « l’âme est immortelle », « Dieu est grand » ou n’importe quelle autre de ces attributions arbitraires ne forme pas une proposition métaphysique convaincante car le mot qui se voit attribuer des qualificatifs n’est pas défini.

Le sage est celui qui a réalisé pleinement les trois parties de l’âme

La troisième voie consiste donc à donner un sens précis, c’est-à-dire, une définition de l’objet abstrait dont il est question. Dans le cas de l’âme, celle-ci peut être perçue par l’homme du commun comme un espèce de fantôme mystique dont parlent les prêtres et autres magiciens, qui aurait élu domicile quelque part dans la boite crânienne. Mais nous voyons que cette définition est d’ordre strictement sensible puisqu’elle cherche à attribuer à ce mot une forme physique, une position, une couleur etc. Il ne s’agit donc pas d’une proposition métaphysique. En observant les caractéristiques que chacune des parties de l’âme possède selon Aristote, nous pouvons comprendre que ce concept n’est autre chose que l’expression intellectuelle du corps. Cette définition est donc la forme que prend la matière pour composer un objet. En terme aristotélicien, l’âme n’est donc rien d’autre que la forme du corps.

En effet, si inversement à la proposition d’une âme mystique séparée, nous réduisons l’homme à des mécanismes chimiques et des interactions moléculaires, nous ne pourrions pas en déduire ses besoins, ses aspirations, ses possibilités, ses désirs etc.. Pour pouvoir arriver à une compréhension de la raison pour laquelle le corps opère telle ou telle action, il nous faut pouvoir le décrire d’un point de vue distinct de l’agencement purement physique des atomes qui le compose tout en rapportant ce point de vue au corps. Ce point de vue est la métaphysique et cette description est « l’âme » qui consiste donc en une définition métaphysique du corps.

Comment alors différencier les objets disposant d’une âme des objets disposant seulement d’une forme si l’âme est une forme ? Pourquoi un homme, un animal et une plante ont une âme alors qu’un rocher n’en a pas ? À première vue, il semblerait que ce soit la vie qui serve de critère de distinction, mais que cela signifie-t-il d’un point de vue métaphysique ?

Un objet vivant se distingue des autres objets en ce qu’on peut lui attribuer une organisation interne particulière dépendante de son espèce et qui peut se reproduire de génération en génération. Un rocher coupé en deux correspond à deux rochers alors qu’une grenouille coupée en deux reste une seule grenouille coupée en deux. Il existe donc une définition nécessitant la présence de toutes les parties pour qu’une forme vivante puisse être réellement distinguée. C’est donc la récurrence de ces formes dans des espèces qui nous permet de qualifier un objet de vivant en tant qu’il correspond à une forme. Remarquons que par opposition, il existe également de la matière indifférenciée comme dans l’eau, la terre ou l’air par exemple en tant que celles-ci n’ont pas de parties distinguables. Répondons à quelques objections possibles :

Il existe des animaux ou des plantes qui, coupées en deux, continuent à survivre et même dont les deux parties prospèrent. Dans le cas du ver planaire, la créature coupée en plusieurs morceau forme pour chaque morceau un nouveau ver. Il est également possible de replanter un arbre en partant d’une de ses branches. Cependant, il faut remarquer que le morceau coupé ne reste pas un morceaux, il se développe à nouveau pour former à l’issue d’un processus plus ou moins long la créature dans son entièreté́. Cette séparation des parties est donc simplement un autre processus de reproduction puisque la forme est conservée.

Il existe des colonies d’insectes, des civilisations humaines et d’autres ensembles d’individus disposants de parties, de fins particulières et en général d’une forme définissable. Par ailleurs, un organisme comme le corps humain est composé d’une multitude de cellules individuelles ayant elles-mêmes leur forme. La forme de ces structures, en tant qu’elle possède une définition et qu’elle peut être reproduite est donc bien une âme. En cela, il y a donc une âme des nations, des civilisations, des cités etc..

Enfin, il existe des structures créées, disposant de parties mais qui ne peuvent se reproduire elles-mêmes et qu’on ne peut certainement pas qualifier de vivantes. C’est le cas des objets de l’art, comme une chaise par exemple. Ces objets ont donc bien une forme puisqu’il est possible de les définir et d’en étudier les parties qui permettent la réalisation de sa fin. Mais le principe de leur existence ne se trouve pas en elles-mêmes car il ne peut y avoir de chaise qui engendre une autre chaise. C’est donc ici un cas particulier de distinction entre l’âme et la forme.

Il nous est donc possible de définir l’âme comme une espèce de  la forme dont les objets qui en sont composées trouvent leur principe en eux-mêmes. On distingue donc les objets vivants disposant d’une âme, de la matière informe et des objets formels dont le principe se trouve en dehors d’eux-mêmes. Par exemple, on trouve respectivement la grenouille, du sable et une table. Cette définition de l’âme, dans ses conséquences éthiques, nous permet donc également de comprendre formellement la différence entre la nature première et la nature seconde que l’habitude nous permet d’acquérir. Nous parlons ici de la question « Est-il possible de changer de personnalité ? ». En effet, en répondant « oui » à cette question, nous supposons l’existence d’une nature première (la personnalité avant le changement) et d’une nature seconde (la personnalité après le changement, comme dans l’expression « faire de cette bonne habitude une seconde nature »). Ainsi, l’âme étant une définition stricte, il n’est pas possible d’aller à l’encontre de celle-ci. Mais puisqu’elle définit l’ensemble des caractéristiques des individus d’une même espèce, il existe un champ de possibilités correspondant à toutes les différences qu’il est possible d’avoir au sein de l’espèce. Si Aristote est diffèrent de Platon qui est diffèrent de César, cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas tous humains.

La nature première et la nature seconde dans les termes éthiques ne sont donc que des éléments temporels correspondant à deux modalités possibles de l’âme. Mais la différence entre deux individus ne se mesure pas uniquement à des différences accidentelles de composition du corps, elle est également dû au degré́ d’actualisation de l’âme dans le corps. En effet, si l’âme est une forme qui dirige la matière dans sa réalisation, nous devons en déduire qu’il existe des cas où la créature est entièrement formée et d’autre où elle n’est formée qu’en partie. Pour autant, cela ne signifie pas qu’un homme n’ayant pas complètement achevé́ sa réalisation n’a pas d’âme. En effet, les différentes parties de l’âme peuvent avoir des degrés de réalisation distincts et si certaines parties doivent être en entéléchie (en achèvement total) pour permettre la vie (comme les organes vitaux par exemple), d’autres peuvent rester imparfaites jusqu’à acquisition des vertus correspondantes. Ainsi, l’âme humaine reste imparfaite chez l’homme du commun dont les dispositions ne sont pas pleinement réalisées en vertu. En cela, la sagesse est donc l’état dans lequel se situe un individu ayant actualisé parfaitement les trois âmes qui constituent la nature humaine.

Conclusion

L’âme est donc la forme d’un être vivant, sa définition comprend ses parties et les fins qui leur sont attribuées. Chez l’homme, l’âme est divisée en trois parties distinctes, l’âme végétative qui répond aux besoins vitaux, l’âme animale qui, par la sensibilité́ et la motricité́ répond aux fins de l’agrément et l’âme humaine qui, par l’intellect agent et l’existence en puissance des formes dans l’intellect patient, permet d’accéder aux fins supérieures du loisir. L’habitude nous permet alors d’acquérir les traits de personnalité qui nous donnent accès aux fins les plus élevées. Cette atteinte de la pleine réalisation de l’âme s’appelle alors « sagesse ».

Ilios Balias

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