Psychologie et manipulation des masses dans les régimes politiques modernes. 1984 lu au prisme de Mein Kampf

Tout ce qui frappe l’imagination des foules se présente sous forme d’une image saisissante et nette, dégagée d’interprétation accessoire, ou n’ayant d’autre accompagnement que quelques faits merveilleux : une grande victoire, un grand miracle, un grand crime, un grand espoir.

Il importe de présenter les choses en bloc, et sans jamais en indiquer la genèse. Cent petits crimes ou cent petits accidents ne frapperont aucunement l’imagination des foules ; tandis qu’un seul crime considérable, une seule catastrophe, les frapperont profondément, même avec des résultats infiniment moins meurtriers que les cent petits réunis. La grande épidémie d’influenza qui fit périr, à Paris, cinq mille personnes en quelques semaines, frappa peu l’imagination populaire. Cette véritable hécatombe ne se traduisait pas, en effet, par une image visible, mais uniquement par les indications hebdomadaires de la statistique. Un accident qui, au lieu de ces cinq mille personnes, en eût seulement fait périr cinq cents, le même jour, sur une place publique, par un événement bien visible, la chute de la tour Eiffel, par exemple, aurait produit sur l’imagination une impression immense…

Connaître l’art d’impressionner l’imagination des foules, c’est connaître l’art de les gouverner.” (Gustave Le Bon. Psychologie des foules)

Ces phrases du psychologue français Gustave Le Bon qui datent d’il y a bien un siècle se font chaque jour plus actuelles dans le monde moderne qui se noie dans les images et les représentations. Les images publicitaires et de propagande agissent par différents biais :

  • Facteurs lointains : idées qui préparent le terrain, font germer des idées nouvelles dans l’opinion publique, habituent les masses à la présence idéologique de nouveaux concepts, velléités, personnalités, enjeux, etc.
  • Facteurs immédiats : l’événement qui fait office de déclencheur direct d’un mouvement de foule ; de ces facteurs surgissent les émeutes, les grèves, les mobilisations générales.

La foule, ou la masse, est un organisme qui a ses propres manières de se représenter le monde, et ses propres formes d’actions, elle agit essentiellement irrationnellement, suite à la pulsion d’images ou d’idées simples. Les régimes politiques totalitaires, qui veulent réduire les citoyens à de simples organes indifférenciés du Parti, encouragent l’ignorance et la dépendance pour permettre la formations de masses aisément malléables, dressées aux images véhiculées par le pouvoir. Dès l’Antiquité grecque, cette forme d’ignorance fur décrite et critiquée sous le terme de doxa, l’opinion commune, l’opinion publique, de laquelle doit s’émanciper le philosophe, qui recherche l’essence vraie des choses, et pas simplement la conformité sociale dans le bavardage. La manipulation des masses s’est universalisée de manière hypocrite dans les régimes modernes, qui produisent les imaginaires des hommes qu’ils gouvernent en leur expliquant qu’ils sont authentiquement libres et émancipés. Ces dérives furent décrites très tôt, dès 1948 par George Orwell dans son livre 1984, qui dénonce les dérives totalitaires des systèmes modernes, qu’ils soient nationalistes, soviétiques, ou libéraux. Nous mettrons en relief ces descriptions de la domination des foules par la manipulation des images, avec les écrits d’Adolf Hitler sur le sujet. Considéré dans l’opinion publique comme le pire dictateur de tous les temps et le destructeur des individualités libres par la police politique et le fascisme, il a fourni de brillantes analyses du phénomène de la propagande, qu’il a lui-même mis en pratique.

Psychologie et ignorance des masses dans la philosophie antique : la Doxa

La philosophie est “amour”, volonté d’arriver à la sagesse. La sagesse est une sérénité due à l’accomplissement de sa nature propre. La sagesse est le propre du divin, Dieu y baigne éternellement du fait qu’elle constitue sa propre nature, c’est pourquoi il est appelé également : l’Être, le Bien, le Vrai, le Beau, le Juste, l’Un ; tous ces termes sont des concepts « transcendantaux », c’est-à-dire qu’on ne peut les définir comme les autres objets car ils n’appartiennent à aucun genre. Définir un objet c’est dire son genre et sa différence spécifique. Par exemple, dans le genre “meuble”, on trouve différentes espèces d’objets qui se différencient par leur fonction spécifique : bibliothèque, armoire, table, buffet, etc. et que l’on définit finalement par “meuble permettant de ranger des livres”, etc. 

Les transcendantaux quant à eux sont infusés dans toutes les “choses qui sont” sans que l’on puisse pour autant les réduire à ces choses elles-mêmes. Leur recherche, leur découverte et leur création font l’objet d’un travail continuel pour l’homme, qui en cherchant à les manifester, manifeste le divin qui est en lui.

Cette recherche est un labeur : c’est difficile ! Elle requiert un long apprentissage, le développement de ses sens, de son corps, et de son intelligence, bref une éducation. Ce perfectionnement continu dans l’effort vers la vérité de l’être rencontre des obstacles : l’ignorance et les passions, ainsi que la doxa. En effet, dans son rapport premier avec le monde, l’homme ne se fait pas des conceptions justes directement. C’est une prémisse de la philosophie grecque platonicienne et aristotélicienne que le premier avis (doxa) que l’on donne sur une chose n’est pas scientifique, n’est pas une connaissance vraie de son essence. Le sophiste, le démagogue, le manipulateur, les puissants qui peuvent influencer l’opinion publique par l’intermédiaire de leur presse, et de leurs productions artistiques, créent des pensées générales, en jouant de manière intéressée avec des avis et des opinions présentées de telle manière à ce que l’on croie à leur légitimité, sans que la foule se pose la question de la véracité réelle du fait exposé. Pour la foule, la vérité n’est pas “la correspondance entre la chose et la pensée” (saint Thomas d’Aquin) ou comme le dit Heidegger “la coïncidence du jugement avec l’objet”, c’est la correspondance entre sa pensée propre et celle de l’opinion générale du groupe dans lequel on évolue. Ainsi, la foule pourra aduler le Christ, puis se retourner contre Lui quelques jours après, car l’opinion générale aura changé, sans fidélité aucune vis-à-vis du Vrai. 

La vérité, qui pour nous est quelque chose de positif, est donc chez les Grecs exprimée négativement comme a-letheia, et la fausseté, qui pour nous est négative, est exprimée positivement comme pseudos. Aletheia signifie : ne plus être occulté, recouvert. Cette expression privative indique que les Grecs comprenaient que l’être à découvert du monde doit d’abord être conquis de haute lutte, qu’il est quelque chose qui, de prime abord et le plus souvent, n’est pas disponible. Le monde est de prime abord fermé, même s’il ne l’est pas totalement. […] Chaque effort accompli par l’homme en vue de la connaissance doit s’imposer comme le recouvrement de l’étant qui peut présenter trois aspects : 1. L’ignorance, 2. l’opinion dominante, 3. l’erreur.” (HEIDEGGER, Martin. Platon : Le Sophiste)

La recherche de la vérité est un dialogue permanent entre le réel et la pensée. Toute idée aboutie doit se confronter à la réalité pour être vérifiée. D’après l’expression de Heidegger, toute pensée qui se forme sans égard avec les étants, les objets qui sont et qui composent la réalité (pragmata), n’est qu’un simple bavardage. C’est dans cette optique là que l’on peut dire que “la vérité n’existe pas”, car on ne fait que confronter des constructions conceptuelles à d’autres, sans aucun souci des choses. Dans le bavardage, on ne parle pas de choses, on parle de rien. Deux personnes peuvent argumenter l’un que l’herbe est jaune, l’autre qu’elle bleue, et même se battre pour leurs conceptions, sans qu’aucune des deux ne soit vraie ; parce qu’ils ne cherchent pas la vérité mais l’approbation de l’autre. Il faut donc se méfier des présentations péremptoires, la vérité au niveau de l’homme n’est pas un bloc monolithique, à ingérer, c’est un Chemin. Un dialogue entre le réel, sa pensée et celle des autres. Les deux chemins traditionnels vers la Vérité sont donc l’expérience et le témoignage de gens ayant eu des expériences autres que la sienne propre. Le témoignage est légitime par la confiance que l’on accorde au témoin, cette confiance doit être cultivée, c’est ce qu’on appelle l’amitié. Toute autre forme de connaissance doit être considérée comme douteuse, issue de la doxa, et nécessitant une vérification par l’expérience, la confrontation à la réalité. De nos jours, l’expérience se fait de plus en plus rare, les “connaissances” ne viennent plus d’une imprégnation du réel, mais de celle des médias. La vérification d’informations ne se fait plus dans le réel mais dans l’approbation de médias étiquetés de confiance. Or, un médiat, par définition, est un rempart qui se pose entre l’homme et la réalité. Il est censé faire connaître l’existence de certaines réalités qui restent inconnues aux hommes, mais il ne faut jamais considérer la vision qu’ils nous donnent comme une vérité définitive. Une telle rigueur intellectuelle, consistant à ne considérer comme étant légitime que son expérience et celle du témoignage de ses amis, est le premier pas du philosophe qui doit apprendre à se connaître soi-même, à reconnaître qu’il ne sait pas grand chose, et amorcer une démarche de remise en question de tous les savoirs non-scientifiques qui lui sont venus de la doxa, des médias, de l’école, qu’il n’a pas pu vérifier de lui-même. Le philosophe doit donc parfois sortir des réflexes sociaux, qui veulent que les idées soient vérifiées n’ont pas par leur confrontation brute à la réalité, mais par l’acceptation de ces idées dans le groupe dans lequel il appartient. Le philosophe, le chercheur ou le prophète qui parle d’une Parole de Vérité, doit donc s’attendre à être marginalisé. Ne pas faire ce travail là, c’est prendre le risque d’être soumis à de fausses idées, d’être victime d’une fausse conscience.

L’origine des masses modernes  

(Les citations de ce paragraphe sont issues des ouvrages La Pensée de Karl Marx de Jean-Yves CALVEZ et De l’esclavage et de la liberté de l’homme de Nicolas BERDIAEV)

Les démocraties modernes se sont construites idéologiquement en opposition aux formes de gouvernements traditionnels ou d’ancien régime. Le fondement politique n’y est plus basée sur la personne du souverain qui reçoit sa légitimité d’en haut, c’est-à-dire de Dieu, par l’intermédiaire d’un clergé ou d’un corps sacerdotal (corps qui peut être parfois représenté par le roi lui-même dans certaines sociétés) ; désormais le fondement n’est plus le roi mais l’ensemble des citoyens formant l’entité nationale. En instaurant l’égalité formelle et intégrale de tous les hommes d’un territoire, la nation moderne abolit les privilèges des nobles, mais aussi des territoires, et ne reconnaît plus aucune forme de communauté entre l’individu et l’Etat. Les groupements politiques, qui avaient un fonctionnement autonome, qu’ils soient corporatifs, régionaux, ethniques, communaux, furent juridiquement dissous (bien que dans la réalité historique, cela ne se passa pas de manière aussi uniforme). 

L’esprit de la démocratie moderne, qui est également celui du type dominant des sociétés modernes : le bourgeois, est celui de la révolte contre la limite. Ces limites revêtent plusieurs aspects, mais qui convergent tous vers une même finalité. Que cette limite soit technique (apparition des manufactures, des usines, développement des moyens de transports, de communication), géographique (découverte de l’Amérique, colonisation, impérialisme), économique (dépassement des anciennes structures de production artisanales de type corporatives, unification de la monnaie, apparition d’un droit commercial, et normalisation du prêt à intérêt et de l’usure, la sphère économique supplante la sphère parlementaire dans les décisions politiques), morale (individualisme exacerbé, dédain des devoirs supra-individuels familiaux, économiques et politiques, finalité humaine conçue dans une sphère purement matérielle : American Dream, bien-être, sécurité dans ses jouissances privées, privilégier la consommation à la production), ou religieuse (le monde n’est plus conçu comme une Création de Dieu, dont il faudrait respecter, protéger, et conserver la pluralité des oeuvres dans un équilibre harmonieux ; désormais les lois naturelles peuvent être librement bafouées au nom d’un désir matérialiste : dérèglement des écosystèmes, théorie du Genre, transhumanisme). L’idéologie moderne a opéré une véritable révolution anthropologique dans les anciennes sociétés traditionnelles. La vie humaine n’y est plus tournée vers le repos dans l’immuabilité d’une vision béatifique, mais dans le mouvement incessant d’une humanité en constant Progrès. La personne humaine, construite, différenciée et affirmée, se voit dépossédée de son identité pour ne devenir qu’un individu, être amorphe, interchangeable, sans qualité spécifique, défini uniquement par sa citoyenneté, et sa consommation, qui le font appartenir à la nouvelle Humanité. Si on la prend d’un point de vue beaucoup plus pragmatique et matériel, cette “Humanité”, loin de constituer un tout fraternel, vivant et organique, ne constitue qu’une masse : un troupeau d’individus sans conscience, attendant passivement une impulsion de l’extérieur.

La description et la critique de l’idéologie progressiste bourgeoise (défendue aujourd’hui par les mondialistes ou globalists) la plus exemplaire fut celle opérée par la pensée marxiste : “Si, en ouvrant la voie à une société nouvelle, la bourgeoisie est puissance de dévaluation universelle des valeurs anciennes et des liaisons sociales, elle est en revanche puissance de progrès indéfini. Ce progrès se manifeste à différents points de vue. Du point de vue géographique, le progrès incite à l’expansion universelle, au cosmopolitisme : “la bourgeoisie ne peut se satisfaire que d’une emprise sur le monde entier. Elle refuse donc tout isolement et tout particularisme local ou national.” Au point de vue économique, les industries et les modes de production locaux meurent avec la disparition des limites géographiques : 

Les industries travaillent des matières premières appartenant aux régions les plus lointaines, et dont les produits sont consommés à la fois dans le pays d’origine et dans toutes les parties du monde… L’ancien isolement local et national où chacun se suffisait à lui-même fait place à des relations universelles, à une interdépendance universelle des nations.”

Cette tendance vers l’illimité a une dimension essentiellement anti personnelle, d’anéantissement des sphères autonomes de vie qui ne dépendent pas encore des institutions de la bourgeoisie d’argent. Elle détruit les frontières et crée des masses d’hommes informes. Elle produit également structurellement la guerre : 

Il y a des sociétés dont le régime social, les dispositions spirituelles, rendent la guerre inévitable, sans qu’un pacifisme abstrait puisse s’y opposer d’une façon un tant soit peu efficace. Le régime capitaliste sera toujours une cause de guerre, et derrière les gouvernements aux tendances pacifistes, il y aura toujours des marchands de canons et de gaz asphyxiants en train de préparer des guerres.”

Du point de vue culturel, les œuvres ne sont plus locales, ou nationales, mais appartiennent au patrimoine universel ; trouvables dans tous les centres urbains d’échange que la bourgeoisie crée. Le progrès, l’avancée de la civilisation, en dépassant toutes les formes de limites, favorise la centralisation universelle ; elle transforme le paysage culturel traditionnel, caractérisé par l’éparpillement des centres culturels, industriels, politiques, autonomes, indépendants et de ce fait particularisés et limités. Très souvent, cette tendance vers la centralisation universelle, est qualifiée du terme de “démocratie”, qu’il ne faut pas entendre dans son sens premier de “gouvernement du grand nombre, ou du peuple”, mais comme le résumé idéologique de la pensée bourgeoise, que l’on qualifie aujourd’hui plutôt de “mondialiste” et qui se confond avec l’idéologie des droits de l’homme :

[la bourgeoisie] a aggloméré la population, centralisé les moyens de production et concentré la propriété en peu de mains. La conséquence nécessaire en fut la centralisation politique. Des provinces indépendantes, qui n’étaient guère que fédérées, ayant chacune leurs intérêts, leurs lois, leurs gouvernements, leurs douanes, furent comprimées en une nation unique avec un gouvernement unique, une législation unique, un seul intérêt national de classe, une seule frontière douanière. Même si l’universalisation semble restreinte encore au cadre de la nation, il est de la vocation de la bourgeoisie et de son destin de surmonter encore ces limites”.

La bourgeoisie, figure du monde moderne remet donc en question la place de l’homme au sein de l’univers, et opère son bouleversement du monde au moyen du progrès technique qui permet de dépasser les proportions et les limites de l’action humaine : 

On ne saurait envisager le capitalisme et la technique modernes comme de simples catégories sociales, ce sont en même temps des catégories morales qui ont une portée cosmique. […] la technique marque la fin de la période tellurique, l’humanité cesse de dépendre de la terre, d’être directement nourrie par elle. La mécanisation est une transition de l’existence organique, animale, végétative, à la vie organisée, et cette transition coïncide avec l’apparition dans l’arène de l’histoire d’immenses masses et collectivités.” 

La modernité politique a donc adopté la création de “masses”, (parfois involontairement ou inconsciemment, parfois très volontairement et très consciemment) comme un idéal progressiste : son accroissement est une avancée vers le Bien. 

Les individus deviennent facilement influençables, et même programmables. Ils ne sont plus vivants au sens profond du terme “d’être constitué d’une âme”, c’est-à-dire d’un principe intérieur de mouvement. Les êtres animés se différencient des simples objets, du fait que ces objets ne sont mus que par des influences extérieures, et non d’un principe interne à leur organisme comme chez les plantes, les animaux et les hommes. L’homme en acte, peut prendre conscience de ce principe, et en user librement s’il en a la force intérieure, contrairement aux simples animaux qui se laissent plutôt porter par ce mouvement. L’idéologie moderne couplée au capitalisme tend à détruire ce principe de vie intérieur, et à transformer les hommes en objets.

La Propagande, instrument constructeur de l’imagination des masses

Les citations de cette partie sont toutes issues du livre Mein Kampf, d’Adolf Hitler. La première guerre mondiale a fait surgir de violents relents anti-démocratiques et anti-bourgeois dans toute l’Europe. Dans les courants intellectuels des années 20, on constate une prise de conscience du pouvoir de la caste industrielle, financière, et médiatique qui a poussé au prolongement de la guerre par le crédit illimité accordé par les banques pour la production d’armes, et qui a poussé à la fanatisation des masses en diabolisant, criminalisant l’ennemi en lui mettant sur le dos des atrocités sans nom, qui se sont parfois révélées exagérées, fausses, voire falsifiées. Les Français voyaient dans l’Allemand, une monstrueuse bête inhumaine qui détruisait des églises par méchanceté et satanisme ou qui empalaient des bébés sur leurs fusils et leurs casques à pointe. Adolf Hitler a participé à la première guerre mondiale, puis a milité dans les milieux nationalistes allemands, dont la lutte était axée idéologiquement à la fois contre la démocratie de marché bourgeoise anglo-américaine, et contre les tendances révolutionnaires bolcheviques qui sont pour lui deux faces d’une même médaille : les deux ont une vision matérialiste de l’homme, un projet de massification et d’uniformisation des classes laborieuses (contrairement aux koulaks d’URSS, l’autonomie des paysans allemands sera extrêmement encouragée et soutenue sous le régime national-socialiste), un vision athéiste militante, le militantisme pour l’abolition des frontières, le déracinement de l’humanité. Il s’est ainsi rendu compte de la puissance de la propagande, de son rôle dans la fanatisation des esprits, et du repère de la véritable intelligence qui ne consiste pas à croire ou ne pas croire ce qu’un journal ou une affiche dit, mais à adopter une attitude authentiquement critique vis-à-vis des informations données. Cet état d’esprit demandant rigueur et discipline reste l’apanage d’une élite. Ici il rejoint la vision classique du philosophe, qui en cherchant la vérité, s’éloigne du monde (dans le sens de mondain) et de la doxa. Seul un petit nombre, une aristocratie, l’élite, en a les capacités et le courage. Il distingue trois types d’hommes dans le monde politique : ceux qui croient sans aucun recul ou remise en question ce que disent les journaux : le troupeau ; ceux qui ne croient à rien, qui s’opposent par principe à tous ce que le pouvoir dit ou fait : ceux qu’on appelle vulgairement aujourd’hui les « complotistes » (ce sont les héritiers des sceptiques de l’antiquité grecque, qui n’accordaient aucune confiance à leurs perceptions et inventaient des théories fumeuses et absurdes qui pourraient éventuellement expliquer quelque chose) ; et enfin les hommes intelligents et curieux qui font un travail critique de tri, de vérification, d’exploration, et de découverte. Je me permets ici de citer de longs passages de ce livre dont beaucoup parlent et que peu ont lu. Pour être cohérent avec la thèse de cet article, je vous invite donc également à le lire, si vous en avez envie, et ne pas en rester à ce que la doxa en dit, elle dit peut être vrai, mais vous ne le saurez quand le lisant ou si vous me faites assez confiance pour croire ce que j’en dit/cite.

Ces analyses fines seront utilisées par le ministre de la propagande Joseph Goebbels pour fanatiser les masses à la cause du national socialisme. Contrairement à une idée reçue, le père de la propagande politique moderne n’est pas Goebbels, mais Edward Bernays, le neveu de Sigmund Freud, qui développa des théories de manipulation des masses à des fins mercantiles, notamment pour la publicité. Toutefois l’essence, le but et les dangers de la propagande furent remarquablement décrits dans le chapitre de Mein Kampf qui y est consacré :

“Ce que nous désignons toujours par “opinion publique” ne s’appuie que pour une part minime sur l’expérience personnelle et les expériences des individus ; par contre, elle est en majeure partie suscitée, et cela avec une persévérance et une force de persuasion souvent admirable, par ce qu’on appelle “l’information”. [La presse] assume en tout premier lieu le travail “d’information” et devient alors une sorte d’école pour les adultes. Seulement, cet enseignement n’est pas aux mains de l’Etat, mais entre les griffes de puissances, qui, pour la plus grande part, sont tout à fait néfastes. En quelques jours, la presse sait, d’un ridicule petit détail, faire une affaire d’Etat de grosse importance, et inversement, en aussi peu de temps, elle fait tomber dans l’oubli des problèmes vitaux jusqu’à les effacer complètement de la pensée et du souvenir du peuple.

C’est ainsi que l’on parvenait en quelques semaines à sortir de façon magique certains noms du néant, à y attacher par une forte publicité des espérances inouïes, à leur créer enfin une popularité telle qu’un homme de réelle valeur ne peut de sa vie en espérer autant ; des noms qu’un mois auparavant personne ne soupçonnait, étaient diffusés partout, alors qu’au même moment des faits anciens et bien connus, relatifs à la vie de l’Etat ou à la vie publique, étaient engloutis en pleine force ; parfois même ces noms avaient été prononcés à l’occasion de telles turpitudes qu’il semblait qu’ils eussent dû plutôt rester attachés au souvenir d’une bassesse ou d’une coquinerie bien déterminée. 

La propagande : elle doit toujours s’adresser uniquement à la masse

Aux intellectuels, ou tout au moins à ceux que trop souvent on appelle ainsi, est destinée non la propagande, mais l’explication scientifique. Quant à la propagande, son contenu est aussi peu de la science qu’une affiche n’est de l’art, dans la forme où elle est présentée.

La tâche de la propagande consiste non à instruire scientifiquement l’individu isolé, mais à attirer l’attention des masses sur des faits, événements, nécessités, etc., déterminés et dont on ne peut faire comprendre l’importance aux masses que par ce moyen. 

Dans ces conditions, son niveau spirituel doit être situé d’autant plus bas que la masse des hommes à atteindre est plus nombreuse. Plus sa teneur scientifique est modeste, plus elle s’adresse exclusivement aux sens de la foule, plus son succès sera décisif. Ce dernier est la meilleure preuve de la valeur de la propagande, beaucoup plus que ne le serait l’approbation de quelques cerveaux instruits ou de quelques jeunes esthètes. 

L’art de la propagande consiste précisément à se mettre à la portée des milieux dans lesquels s’exerce l’imagination : Il est absurde de donner à la propagande la diversité d’un enseignement scientifique. 

La faculté d’assimilation de la grande masse n’est que très restreinte, son entendement petit ; par contre, son manque de mémoire est grand. Toute propagande efficace doit se limiter à des points forts peu nombreux et les faire valoir à coups de formules stéréotypées aussi longtemps qu’il le faudra, pour que le dernier des auditeurs soit à même de saisir l’idée.

Le but de la propagande n’est point de doser le bon droit des divers partis, mais de souligner exclusivement celui du parti que l’on représente. Elle n’a pas non plus à rechercher objectivement la vérité, si celle-ci est favorable aux autres, et à l’exposer aux masses sous couleur d’une équité doctrinaire, mais à poursuivre uniquement celle qui lui est favorable à elle.

La grande masse d’un peuple ne se compose pas de diplomates, ni de professeurs de droit public, ni même simplement de gens susceptibles de prononcer un jugement raisonnable, mais d’êtres humains aussi hésitants que disposés au doute et à l’indécision. 

Dans sa grande majorité, le peuple se trouve dans une disposition et un état d’esprit à tel point féminins que ses opinions et ses actes sont déterminés beaucoup plus par l’impression produite sur ses sens que par la pure réflexion. 

Propagande d’atrocités : pour maintenir le moral sur le front, même si l’ennemi subissait les plus lourdes défaites.

La propagande n’est point faite pour procurer constamment d’intéressants passe-temps à de petits messieurs blasés, mais pour convaincre, et c’est la masse qu’il s’agit de convaincre. Le but de tout exposé doit se ramener toujours à la même formule. C’est ainsi seulement que la propagande peut et doit agir avec esprit de suite et cohésion. 

La possibilité de succès de cette arme spirituelle réside uniquement dans son emploi massif, et le succès compense abondamment toutes les dépenses faites. En Angleterre et aux Etats-Unis la propagande est considérée comme une arme de premier ordre.”

Pour lui, l’homme intellectuellement autonome n’est pas celui qui a lu beaucoup, l’universitaire, mais celui qui dispose d’une vision correcte et fonctionnelle du monde réel. Les intellectuels lui sembleront trop éloignés du réel, ce qui, en plus d’en faire des frustrés ou des déréglés sexuels car il ne canalisent pas dans la dépense physique, comme un ouvrier ou un soldat, les demandes de leur organisme, en fait des utopistes qui croient pouvoir réorganiser le monde avec des utopies démocratiques car il ne s’y sont jamais confrontés.

“Pour moi, lire n’avait pas le même sens que pour la moyenne de nos prétendus intellectuels.

Je connais des gens qui lisent interminablement livre sur livre, une lettre après l’autre, sans que je puisse véritablement dire qu’ils ont “de la lecture”. Ils possèdent un amas énorme de connaissances, mais leur esprit ne sait ni les cataloguer, ni les répartir. Il leur manque l’art de distinguer dans un livre les valeurs à se mettre pour toujours dans la tête et les passages sans intérêts – à ne pas lire si possible, ou tout au moins à ne pas traîner comme un lest inutile. Lire n’est pas un but, mais le moyen pour chacun de remplir le cadre que lui tracent ses dons et ses aptitudes. Chacun reçoit ainsi les outils et les matériaux nécessaires à son métier, qu’ils l’aident seulement à gagner sa vie, ou qu’ils servent à satisfaire des aspirations plus élevées. Le second but de la lecture doit être d’acquérir une vue d’ensemble sur le monde où nous vivons. Mais dans les deux cas il est nécessaire, non pas que ces lectures prennent place dans la série des chapitres ou des livres que conserve la mémoire, mais viennent s’insérer à leur place comme le petit caillou d’une mosaïque et contribuent ainsi à constituer, dans l’esprit du lecteur, une image générale du monde. Sinon il se forme un mélange de notions désordonné et sans grande valeur, malgré toute la fatuité qu’il peut inspirer à son malheureux propriétaire. Car celui-ci se figure très sérieusement être instruit, comprendre quelque chose à la vie et avoir des connaissances, alors que chaque accroissement d’une telle instruction l’éloigne encore des réalités ; il n’a plus, bien souvent, qu’à finir dans un sanatorium ou bien politicien.

Jamais un tel cerveau ne réussira à extraire du fatras de ces connaissances celle qui pourra servir à un moment donné ; car ce lest intellectuel n’a pas été classé en fonction des besoins de la vie ; il s’est simplement tassé dans l’ordre des livres lus et tel que leur contenu a été assimilé. Et si les nécessités de la vie lui donnaient toujours l’idée d’une juste utilisation de ce qu’il a lu jadis, encore faudrait-il qu’elles mentionnent le livre et le numéro de page, sinon le pauvre niais ne trouverait d’une éternité ce qui convient. Mais la page n’est pas mentionnée et à chaque instant critique, ces gens neuf fois avisés sont dans le plus terrible embarras ; ils cherchent convulsivement des cas analogues et comme de juste tombent sur une fausse recette.

Comment pourrait-on expliquer autrement que les plus grands pontifes du gouvernement réalisent tant de bévues malgré toute leur science ? Ou bien alors il faudrait voir en eux, non plus un fâcheux état pathologique, mais la plus vile coquinerie. 

Au contraire, celui qui sait lire discerne instantanément dans un livre, un journal ou une brochure, ce qui mérite d’être conservé soit en vue de ses besoins personnels, soit comme matériaux d’intérêt général. ce qu’il acquiert de la sorte s’incorpore à l’image qu’il se fait déjà de telle ou telle chose, tantôt la corrige, tantôt la complète, en augmente l’exactitude ou en précise le sens. Que soudain la vie pose un problème, la mémoire de celui qui a su lire lui fournit aussitôt une opinion basée sur l’apport de nombreuses années ; il la soumet à sa raison en regard du cas nouveau dont il s’agit, et arrive ainsi à éclairer ou à résoudre le problème. 

La lecture n’a de sens et d’utilité qu’ainsi comprise.”

 C’est une vision que partage Heidegger, à qui l’on ne peut pourtant pas accuser d’avoir une faible culture livresque : “Entrer en phénoménologie [le dévoilement de la vérité de l’étant] ne consiste pas à lire de la littérature phénoménologique et à prendre note de ce qui y est établi. Ce ne sont pas des connaissances doxographiques qui sont ici requises. C’est pourtant ainsi que dès le début la phénoménologie a été mésinterprétée. Bien plutôt, le travail concret sur les choses mêmes doit être la voie sur laquelle accéder à une compréhension phénoménologique. Quand la compréhension des choses est atteinte, alors la phénoménologie peut disparaître.” (Platon : Le Sophiste)

L’aveuglement de la propagande pousse à se forger des représentations totalement éloignées de la réalité, notamment en politique : 

“L’Autriche est un exemple clair et impressionnant qu’il est bien facile pour une tyrannie de s’envelopper du manteau de la prétendue “légalité”.

Le théoricien en lunettes mourrait, certes, plus volontiers pour sa doctrine que pour son peuple. 

“Autorité de l’Etat”, “démocratie”, “pacifisme”, “solidarité internationale”, etc., autant de notions qui deviennent chez nous presque toujours des idées rigides, des dogmes doctrinaires, et tous les jugements sur les nécessités vitales de la nation sont portés exclusivement d’après ces conceptions.

Cette façon néfaste d’envisager tous les problèmes importants d’après une opinion préconçue, tue toute faculté de comprendre subjectivement un phénomène qui objectivement est en opposition avec la doctrine ; cela conduit finalement à un inversement des rôles entre les moyens et les buts.

Cela peut être triste ; mais pour changer une chose, il faut d’abord s’en rendre compte.” 

Hitler considérera le statut psychologique des masses, leur passivité intellectuelle, comme insurmontable. Il rejette l’idéal démocratique d’une éducation pour tous ; si un être exceptionnel est supposé émerger de la masse, il le fera de lui-même, sans diplôme ni reconnaissance institutionnelle, comme lui-même, orphelin à 13 ans et sous-prolétaire dans la Vienne décadente des années 10, l’a fait. Il n’a donc aucun scrupule à utiliser les procédés de propagande qu’il dénonce, c’est le mode d’être substantiel des sociétés de masse ; l’hypocrisie des démocraties consiste à continuer à utiliser de tels procédés tout en prétendant le contraire et prôner la liberté de pensée et de parole. Dans son optique, il ne faut pas œuvrer pour une société égalitaire où tout le monde accèderait à l’autonomie et au savoir, mais plutôt perpétuer la tradition indo-européenne (aryenne) du régime pyramidal avec une masse et une élite dirigeante. L’élite doit gérer le bon fonctionnement de la production et la bonne vie du peuple, sans pour autant transcender son fonctionnement psychologique. Contrairement à l’idéal démocratique qui voit l’autorité et le privilège comme un mal en soi, il voit le Bien dans soumission des masses à une élite, responsable et dévouée à son bien. L’émancipation qu’il voyait restait réservée à des élus, qui devaient se manifester par leur courage. Seuls ceux qui sont dignes le méritent. Son mépris des masses, consistant essentiellement dans la prise de conscience de sa passivité, sera manifesté à la fin, face aux massacres, viols perpétrés par l’Armée Rouge dans son avancée finale, que le peuple allemand ne méritait pas mieux ; finalement ce n’était pas un peuple d’élite.

La démocratie moderne totalitaire poussée à l’absurde : 1984

(Les citations de ce paragraphe sont issues du livre 1984 de George Orwell)

Dans les principes du Contrat Social de Rousseau, la volonté générale des citoyens est représentée par un législateur, qui doit s’efforcer de faire des citoyens de meilleurs citoyens, faire avancer les citoyens vers l’idéal commun, et surtout en ce qui concerne les dissidents ou les indifférents : “les forcer à être libres”. Partant d’une définition de la liberté qui est une construction idéologique, posant comme principe et finalité le Bien et la Paix par l’intermédiaire d’un appareil gouvernemental, appelé nation à l’époque de Rousseau, auquel tous les hommes en faisant partie doivent se conformer en devenant des citoyens, la politique moderne pose de graves problèmes anthropologiques, qui ont été poussés jusqu’à l’absurde par George Orwell dans son célèbre ouvrage d’anticipation 1984. Cette vision de la vie purement immanente, matérialiste et rationaliste, (les citoyens ne cherchent que la sécurité dans les jouissances privées, la conformité aux lois du Parti dans tous les aspects de sa vie, rien de tout cela ne pose le problème de la mort, de la nécessité de la transcendance ; toute finalité humaine est vouée au bien d’un projet politique, chose purement matérielle et vouée fatalement à périr, à retourner à la poussière) pousse les gouvernements à détruire toute forme d’autonomie et de liberté personnelle et privée, au nom de La Liberté. 

Les différents ministères de l’appareil d’Etat travaillent à réécrire l’Histoire, établir des lois mémorielles, criminaliser les prétendus ennemis de la Paix, dénaturer les oeuvres du patrimoines, dont les classiques de la littérature, et surtout à imposer une langue totalement aseptisée où les mots, les éléments de langage qui permettent de mettre des mots sur les imperfections du Parti sont supprimés : la novlangue. Un citoyen qui sortirait du vocabulaire de la novlangue, sera immédiatement considéré suspect, condamné, sans procès ni discussion 

 “Ne voyez-vous pas que le véritable but de la novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera rigoureusement délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. […] La Révolution sera complète quand le langage sera parfait. […] Comment pourrait-il y avoir une devise comme “La Liberté c’est l’esclavage” alors que le concept même de la liberté aura été aboli ? Le climat total de la pensée sera autre. En fait, il n’y aura pas de pensée telle que nous la comprenons maintenant. Orthodoxie signifie non-pensant, qui n’a pas besoin de pensée. L’orthodoxie, c’est l’inconscience.

Le Régime tient également par la désignation de l’ennemi, qui ne fait plus partie de l’humanité, avec lequel aucun dialogue n’est possible : ni pardon, ni oubli. C’est ce qu’Orwell désigne par le Ministère de la Haine ; synonyme de Boche en France en 1914, de judéo-bolchevisme sous l’Allemagne nazie, d’Axe du Mal sous Reagan, de rogue states par George Bush, de “nazislamisme” dans l’Etat d’Israël, ou de Samaritain pour les pharisiens. L’ennemi coupable de crime contre l’humanité sort de l’humanité et doit cristalliser en lui toute la haine du groupe, il ne peut pas être bon, ce serait trahir le Parti. Celui qui commencerait à avoir des doutes devient dangereux car il montre une certaine noblesse d’esprit, à sortir du troupeau de l’éducation mécanique. Orwell décrit le parfait petit fayot ou capot, comme Hitler décrit ceux qui croient sans esprit critique aux journaux : “Parsons était un collègue de Winston au ministère de la Vérité. C’était un homme grassouillet mais actif, d’une stupidité paralysante, un monceau d’enthousiasme imbéciles, un de ses esclaves dévots qui ne mettent rien en question et sur qui, plus que sur la Police de la Pensée, reposait la stabilité du Parti.”

Le héros Winston, qui a des doutes, fait partie des seuls personnages du Ministère à oser franchir le pas du cheminement vers la Vérité, vers une vie non aseptisée, épiée et rationalisée. Sa révolution est avant tout intérieure, mais c’est la seule qui ait un sens vraiment radical, et qui témoigne de son aspiration vers une transcendance. Il n’est rien face à Big Brother et ses milices, si son aspiration était sociale, celle d’un “monde meilleur”, il serait resté bon fonctionnaire comme ses collègues car sa vie matérielle aurait été son absolu. Au contraire, il trouve dans sa révolte, une exaltation de vie, une lutte non pas axée sur le temps, vers l’avant, dans le futur, mais axée vers l’éternité, vers le haut, vers Dieu. Cette lutte est la plus dure dans la vie d’un homme tant le rappel au monde est constant et fort. Pierre voulant éviter de se faire lyncher reniera trois fois son Maître, le Christ, et acceptera la vision de la doxa. Ce fut pourtant un apôtre, puis le fondateur de l’Eglise. La position sociale n’a donc aucune incidence avec la révolution intérieure, avec le détachement du monde, avec le fait d’agir comme “si on était dans le monde sans être du monde” (Jean Madiran).

La recherche de la vérité est un cheminement spirituel : “La Vérité vous libérera” dit le Christ. Ce chemin mène à l’humilité, à prendre conscience de son ignorance, à chercher l’amitié selon des critères non-matérialistes ou politiques, à assumer ses positions malgré les pressions du groupe, du système, et surtout de sa propre lâcheté. Tendre l’autre joue ne signifie pas refuser le combat, mais refuser les pressions et les injonctions du monde, dont le prince, veut ramener les hommes dans son esclavage, son absence d’âme, et sa fausse conscience. La Vérité n’est jamais quelque chose de statique, elle est un cheminement. Le Christ dit lui-même qu’il est Vérité, tout en étant Vie et Chemin, c’est-à-dire mouvement et surpassement dans l’amitié. 

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